Publié le 27 mai 2025

Le rapporteur du texte a lui-même déposé une motion de rejet, afin d’éviter les débats à l’Assemblée, et notamment la résistance de la gauche et des écologistes qui s’opposent à une loi considérée comme “une atteinte grave à l’agriculture”.

La proposition de loi Duplomb, dite “proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur”, ne sera donc pas débattue à l’Assemblée nationale. Avec le soutien de la majorité présidentielle, de la droite et de l’extrême droite, une motion de rejet a été votée hier, mettant fin à l’examen des amendements déposés depuis plusieurs semaines par les députés dans le cadre de leur travail parlementaire.

Le rapporteur du texte, le député Les Républicains Julien Dive, avait en effet déposé une proposition de motion de rejet de sa propre loi, visant selon lui à “éviter l’obstruction parlementaire”. Avec cette motion de rejet, la droite et le gouvernement évitent en fait un débat difficile en séance plénière face à l’opposition, puisque la loi sera désormais discutée en Commission mixte paritaire. Une commission composée de sept députés et sept sénateurs, où la droite, favorable au texte, est majoritaire.

“Ne pas sacrifier nos ambitions environnementales au nom de solutions de court terme”

La loi, discutée depuis plusieurs semaines au Parlement, suscitait en effet une vive opposition dans l’hémicycle. Elle propose en effet plusieurs mesures visant à affaiblir les obligations environnementales, face auxquelles les députés de gauche et écologistes avaient déposé plusieurs centaines d’amendements. Parmi ces mesures les plus controversées : la possible réautorisation de l’acétamipride, un pesticide néonicotinoïde controversé notamment pour ses effets sur la biodiversité, mais également l’assouplissement des normes pour favoriser l’élevage intensif mais également les systèmes de retenue d’eau comme les méga-bassines.

Des mesures soutenues par la droite et l’extrême droite, mais rejetées par la gauche, mais aussi une partie des députés issus de la majorité présidentielle. Sandrine Le Feur, députée Renaissance, a ainsi fait part de son inquiétude quant au risque que la loi vienne à “sacrifier nos ambitions environnementales au nom de solutions de court terme”, et demandait à pouvoir poursuivre les débats parlementaires jusqu’au bout, afin de pouvoir aboutir à un compromis.

Loi Duplomb : plusieurs mesures néfastes pour l’environnement retoquées

Une loi controversée, y compris chez les agriculteurs

Bien qu’elle soit présentée comme étant bénéfique aux agriculteurs, la loi Duplomb suscite de nombreux débats au sein du monde agricole. Si ses mesures sont globalement soutenues par certains représentants agricoles comme la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), qui y voient une manière de lutter contre “une distorsion de concurrence” vis-à-vis d’autres pays ne disposant pas des mêmes normes environnementales, d’autres y sont au contraire opposés. En particulier, la Confédération paysanne considère la loi comme “une atteinte grave à l’agriculture”. Selon le syndicat agricole, la proposition de loi risque notamment de faciliter l’industrialisation de l’agriculture et la concentration des exploitations, favorisant les grands acteurs du secteur au détriment des petits paysans. L’affaiblissement des normes environnementales pèserait également sur la résilience de l’agriculture, renforçant sa dépendance aux pesticides et aux retenues d’eau, à l’heure où la crise climatique et l’effondrement de la biodiversité appellent à un changement de modèle.

L’Union nationale de l’apiculture française, elle, considère que la réautorisation de l’acétamipride serait un “désastre”, risquant notamment d’affaiblir encore les colonies d’abeilles déjà largement affectées par l’usage généralisé des pesticides sur le territoire. Plusieurs scientifiques ont également alerté sur les risques liés à la dérégulation agricole et à l’usage facilité des pesticides. Pour Philippe Grandcolas, chercheur au CNRS, l’acétamipride présente ainsi une “toxicité aiguë très importante” avec un risque d'”effet cocktail” important. Le 5 mai, un collectif de près de 1200 médecins avaient également alerté d’un véritable “recul pour la santé publique”.

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