Publié le 7 février 2025

Elon Musk a annoncé poursuivre plusieurs grandes entreprises pour avoir “boycotté” X. Depuis l’arrivée de l’homme le plus riche de la planète à la tête du réseau social, les annonceurs ont progressivement réduit leurs campagnes sur la plateforme face au risque réputationnel, fragilisant au passage son modèle économique.

Lego, Nestlé, Pinterest ou encore Shell. Toutes ces entreprises sont aujourd’hui dans le viseur d’Elon Musk. L’homme le plus riche du monde les accuse de s’être entendues pour “boycotter” la plateforme sociale X, dont il est le propriétaire depuis 2022. Il a décidé de porter l’affaire en justice. Le 1er février, les avocats du milliardaire ont ainsi amendé une plainte initialement déposée en août 2024 contre l’Alliance mondiale pour les médias responsables (GARM), une initiative interprofessionnelle pour la sécurité numérique, afin de l’élargir à sept sociétés supplémentaires.

Parmi la trentaine de marques concernées au total se trouvent donc Nestlé, Lego et Pinterest, mais aussi le laboratoire pharmaceutique Abbott, la plateforme de streaming Twitch, le géant de l’agro-alimentaire Mars ou la chaîne de pharmacies CVS. Prenant appui sur un rapport mené par Jim Jordan, président de la commission judiciaire de la Chambre des représentants et allié de Donald Trump, Elon Musk allègue que ces annonceurs auraient violé les lois antitrust du pays en “conspirant” pour “retirer collectivement des milliards de revenus publicitaires” de X. Mais “prouver cette condition n’est pas une mince affaire”, explique à Reuters Christine Bartholomew, professeure de droit à l’université de Buffalo.

Perte de confiance des annonceurs

Quelques mois après l’arrivée d’Elon Musk à la tête de la plateforme, encore nommée Twitter à l’époque, de nombreuses entreprises avaient en effet pris la décision de mettre un terme à leurs campagnes, craignant que les publicités apparaissent aux côtés de contenus préjudiciables. En cause, la vague de licenciements, notamment au sein des équipes dédiées à la modération, qui avait suivi le rachat de X, mais aussi les prises de position problématiques de son nouveau propriétaire.

Un mouvement qui s’est depuis amplifié. Dans un sondage dévoilé en septembre 2024, la branche britannique de Kantar souligne que 26% des spécialistes du marketing déclarent “avoir l’intention de réduire leurs dépenses publicitaires sur X en 2025”, soit “le plus grand recul enregistré sur une grande plateforme publicitaire mondiale”. La confiance accordée à la publicité sur X serait même passée de 22% en 2022 à seulement 12% en 2024, un niveau “historiquement faible”, note Kantar.

“Les marques ne veulent pas être associées à des idées et à des activités qui provoquent de la violence, de la méfiance ou des dommages sociaux, appuie dans un communiqué Sarah Kay Wiley, directrice des politiques au sein de Check my ads, une organisation de surveillance de la publicité à but non lucratif. Elon Musk et les dirigeants de X ont le droit, protégé par le premier amendement, de dire ce qu’ils veulent en ligne, même si c’est inexact, et les annonceurs ont le droit de ne pas diffuser leurs publicités. C’est aussi simple que cela”.

“Dommages compensatoires triplés”

Elon Musk ne l’entend pourtant pas de cette oreille. S’il avait d’abord insulté les sociétés ayant déserté, leur intimant de ne plus faire de publicité sur la plateforme, il semble finalement avoir changé de stratégie. Face aux pertes financières liées, il demande aujourd’hui des “dommages compensatoires triplés”. “Le comportement illégal de ces organisations et de leurs dirigeants a coûté à X des milliards de dollars”, avance dans une lettre ouverte Linda Yaccarino, la directrice générale de X. Car le modèle économique du réseau social repose essentiellement sur ses revenus publicitaires, qui représenteraient près de 90% de son chiffre d’affaires, selon le media spécialisé Business of Apps.

Depuis 2022, X fait d’ailleurs face à une perte de valeur vertigineuse, estimée à 78% par Fidelity, l’un des investisseurs ayant participé au rachat de la plateforme. Selon les informations du Wall Street Journal, les salariés auraient même été alertés des mauvais résultats financiers de l’entreprise fin janvier. “Notre croissance d’utilisateurs est stagnante, les revenus sont peu impressionnants et nous sommes à peine rentable”, aurait écrit Elon Musk, avant de démentir ce message.

Reste qu’au-delà des poursuites judiciaires, la nouvelle position de l’homme d’affaires, devenu bras droit du nouveau président des Etats-Unis, pourrait changer la donne. “Les entreprises peuvent tenter de s’attirer les ‘bonnes grâces d’Elon’, à qui Donald Trump a confié de vastes attributions au nouveau ministère de l’Efficacité gouvernementale, souligne aux Echos Lou Paskalis, directeur général du cabinet de conseil AJL Advisory. Certains spécialistes du marketing sont susceptibles de réaffecter les dépenses au réseau X en tant que ‘levier politique’.”

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