Publié le 12 décembre 2024

La droite européenne envisage de demander la renégociation du règlement sur l’interdiction des véhicules thermiques en 2035. Objectif : limiter les contraintes liées au climat dans le secteur automobile. Une proposition qui serait un coup dur pour les objectifs climatiques et industriels de l’Europe.

C’est l’un des textes les plus emblématiques du Green Deal européen : l’interdiction de la vente des véhicules thermiques en Europe d’ici 2035. Cette réglementation essentielle pour l’atteinte des objectifs climatiques et de transition énergétique européens est pourtant aujourd’hui remise en cause par le PPE, le Parti Populaire Européen, qui rassemble les partis de droite du continent, dont notamment le parti français Les Républicains.

Depuis plusieurs mois, le PPE est à la manœuvre, soutenu par certains lobbies du secteur automobile, pour décaler voire réviser le texte. Selon un document interne du parti rassemblant ses demandes politiques pour la prochaine mandature, il faudrait “inverser” l’interdiction des véhicules thermiques, afin notamment de pouvoir mettre l’accent sur des véhicules à moteur fonctionnant avec des carburants dits “alternatifs” (agro-carburants, carburants de synthèse…).

Report et affaiblissement des règles de transition écologique dans l’automobile

Le PPE, qui rassemble le plus grand groupe politique au parlement européen avec 188 députés sur 720, fait donc pression sur Ursula von der Leyen, présidente de la Commission issue de ses rangs, pour lancer une révision du règlement dès l’année prochaine. Le PPE pousse également pour revenir sur les amendes prévues pour les constructeurs automobiles qui ne respecteraient pas les objectifs de réduction des émissions de CO2 prévues par la réglementation européenne. Le document de planification politique publiée par la droite européenne plaide aussi pour que l’Europe soutienne le développement des véhicules hybrides rechargeables, dont l’efficacité en matière de réduction des émissions de CO2 a pourtant été largement remise en cause depuis quelques années.

Avec cette feuille de route, le PPE reprend très largement les revendications des constructeurs, qui réclament depuis février dernier un report et un affaiblissement des règles sur la transition écologique dans l’automobile, face aux difficultés du secteur. Le principal lobby automobile européen, l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA) qui soutenait initialement l’interdiction, a opéré un virage ces derniers mois sur le sujet. Renforcé par le retour de Stellantis dans ses rangs, et avec la nomination à sa tête d’Ola Källenius, patron de Mercedes, qui a récemment raboté ses objectifs sur l’électrification, l’ACEA freine désormais des quatre fers. L’organisation considère ainsi que les pouvoirs publics européens n’ont pas “fourni les conditions de marché nécessaires, l’infrastructure de recharge, des systèmes d’incitation stables, le prix de l’énergie, etc” pour développer des alternatives à la voiture thermique.

Un argument contesté par l’association Transport & Environnement, qui regroupe des experts du secteur : ces derniers attribuent plutôt les difficultés des constructeurs européens à leur choix stratégique de privilégier les véhicules électriques lourds et chers, sans proposer une offre électrique accessible pour le grand public. De fait, les constructeurs européens sont aujourd’hui très en retard sur leurs concurrents chinois, alors que la Chine avait annoncé dès 2017 son intention d’interdire la vente de véhicules thermiques sur son territoire.

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Les objectifs climatiques européens menacés

Face à cette fronde de la droite et de certains constructeurs européens, la gauche et le groupe Renew poussent au contraire pour maintenir l’interdiction à 2035. C’est également le cas de la coalition Industry for 2035, qui rassemble près de 80 entreprises industrielles européennes, dont le constructeur automobile Volvo. Elles appellent l’Union européenne à maintenir ses objectifs, notamment pour fixer un cap industriel clair et ne pas être distancées par la planification chinoise. En juillet dernier, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait tenu à maintenir l’interdiction de la vente des véhicules thermiques à 2035, mais en assouplissant certains critères du règlement.

Mais elle pourrait bien avoir du mal à maintenir ce cap sous la pression d’une droite et d’une extrême droite de plus en plus agressive sur le détricotage des normes environnementales. Le PPE envisage d’ailleurs de demander une révision globale de l’objectif de réduction de 90% des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne d’ici 2040. Moratoire sur la CSRD, révision de la directive sur les émissions industrielles, affaiblissement du devoir de vigilance européen, renégociation du système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre… Ce sont en fait toutes les réglementations liées à la transition écologique et climatique qui sont dans le viseur du PPE. Si une révision du règlement sur les voitures thermiques devait se confirmer, ce serait un coup dur pour les efforts de transition climatique européens, alors que le transport, qui représente près de 30% des émissions du continent, est le secteur qui tarde le plus à se décarboner en Europe.

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