Publié le 8 mars 2024

Boeing vient de confirmer son intention de racheter l’un de ses principaux fournisseurs, Spirit Aerosystems. Celui-ci était impliqué dans la série de défaillances techniques qu’a connu le groupe. L’initiative pourrait être une tentative de restaurer la confiance, après la crise engendrée par la stratégie de réduction des coûts de l’avionneur américain.

Boeing parviendra-t-il à sortir de la crise qu’il traverse depuis des mois ? Les défaillances techniques qui se sont enchaînées – jusqu’à cette semaine, avec un défaut sur un pneu qui a forcé un atterrissage d’urgence à Los Angeles – ont en tout cas poussé l’avionneur américain à internaliser certaines activités de production, de maintenance et d’entretien de ses avions.

Boeing pourrait ainsi racheter l’un de ses fournisseurs clés, Spirit Aerosystem, dans le but de restaurer la confiance, et réduire les risques sur la chaîne d’approvisionnement. Un fournisseur qu’il avait cédé en 2005 à un fonds d’investissement canadien, alors qu’il entrait dans une phase de maximisation des profits et de réduction des coûts, qui le place aujourd’hui en pleines turbulences.

Ré-internaliser ses opérations pour restaurer la confiance

Nous confirmons que notre collaboration a abouti à des discussions préliminaires pour que Spirit Aerosystems fasse de nouveau partie de Boeing“, explique ainsi l’entreprise américaine dans un communiqué, suite aux révélations du Wall Street Journal. Le groupe ajoute que “la réunification (…) des opérations de production renforcerait davantage la sécurité de l’aviation, améliorerait la qualité et servirait les intérêts de nos clients, employés et actionnaires”.

Spirits Aeorsystem, dont près des 2/3 du chiffre d’affaires est assuré par Boeing, est au cœur de la controverse. Il est accusé de négligences dans les chaînes de production, et a fait l’objet d’une enquête par la FAA, l’agence américaine de régulation de l’aviation, sur les contrôles de qualité mis en place par le constructeur. A cette occasion, le régulateur américain avait rappelé à l’ordre Boeing, martelant que “les méthodes de Boeing doivent respecter les standards les plus élevés auxquels ils sont tenus légalement”. Depuis, l’avionneur a perdu près de 25% de sa valeur en bourse, et accumulé les retards de livraison.

Sortir de la crise de la réduction des coûts

Or, derrière cette crise, c’est la stratégie commerciale du groupe qui est pointée du doigt : une course à la rentabilité, qui a mis sous pression ses fournisseurs, et favorisé des négligences dans la maintenance et l’entretien des appareils. Cette stratégie, Boeing l’avait adoptée aux débuts des années 2000, alors que la bataille commerciale avec Airbus battait son plein. Progressivement, Boeing s’était séparé de plusieurs activités stratégiques essentielles, et notamment celles liées à la fabrication des fuselages, symbolisée par la vente en 2005 de sa filiale Wichita Division, rebaptisée Spirit Aerosystems.

Les deux décennies qui ont suivi ont été marquées par une recherche constante de réduction des coûts de production, qui ont mis les usines sous pression. Par exemple, comme l’expliquait à Novethic Jacques Delys, consultant spécialisé en aéronautique en janvier dernier, “Boeing a créé des usines dans des États moins syndiqués, comme en Caroline du Sud, avec une main d’œuvre plus jeune et moins formée.” Le groupe avait également laissé partir ces dernières années une grande partie de ses cadres formés, comme l’explique l’Usine Nouvelle.

Réintégrer Spirit Aerosystems sonne pour Boeing comme un retour de près de 20 ans en arrière et un désaveu de sa stratégie passée. C’est également le signe des risques sociaux majeurs qui frappent le secteur aéronautique, et plus généralement le secteur industriel, lorsque la course à la rentabilité prend le pas sur le respect des exigences de sécurité et sur la qualité des conditions de travail.

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