Le secteur de l’assurance n’a encore rien vu. L’envolée des coûts des événements extrêmes constatée ces dernières années devrait encore accélérer selon Verisk, une société américaine spécialisée dans la gestion et la modélisation des risques pour l’assurance. Selon ses calculs, publiés dans son dernier rapport, la moyenne des pertes assurées dues aux catastrophes naturelles devrait désormais atteindre 151 milliards de dollars par an – voire bien plus dans les années où se produisent des événements extrêmes. De quoi faire pâlir les assureurs et les réassureurs.
Le montant annuel moyen des pertes assurées avait déjà franchi des niveaux records sur les cinq dernières années, avec 106 milliards de dollars de pertes assurées dans le monde, alors qu’il n’était “que” de 83 milliards de dollars les cinq années précédentes. Un niveau qui a déjà entraîné une crise du secteur de la réassurance, les sociétés auprès desquelles les compagnies d’assurance viennent s’assurer elles-mêmes, qui a globalement baissé les bras. En augmentant ses tarifs de réassurance sur les événements climatiques, il a laissé les assureurs se débrouiller seuls… Avec de graves conséquences.
Déjà des conséquences sur les zones très exposée
Aux Etats-Unis, de grands assureurs ont déclaré se désengager de l’assurance habitation dans certains Etats trop exposés comme la Californie ou la Floride. Au point de faire craindre à certains analystes financiers une prochaine crise de l’immobilier cantonnée à ces zones, dans lesquels les coûts de l’assurance seront tellement élevés qu’ils feront chuter le prix du mètre carré. En Europe, l’assureur autrichien Uniqa a également laissé entendre qu’il pourrait délaisser certaines régions.
Les raisons expliquant cette augmentation des pertes assurées sont multiples. Elles tiennent avant tout au développement économique dans les régions où les événements climatiques se produisent. Près de 58% des villes de plus de 300 000 habitants dans le monde sont ainsi situées dans des zones à fort risque de catastrophe naturelle. L’étude prend l’exemple de la région de Dallas, au Texas, dont plusieurs agglomérations font partie des villes où la population croît le plus vite aux Etats-Unis. La région est pourtant très exposée aux orages, à la grêle, aux tornades ou encore aux inondations. Sur les dix dernières années, huit orages sévères ont causé plus d’un milliard de dollars de dommages. Verisk a calculé, étant donné la croissance de la population, un tel événement provoquant 1 milliard de dollars de dommages il y a dix ans coûterait aujourd’hui 20% plus cher.
Mieux se préparer aux années de pertes élevées
L’inflation de ces dernières années a également tiré les coûts de reconstruction vers le haut, même si elle a aujourd’hui tendance à se tasser. Enfin, le changement climatique, en intensifiant et multipliant les événements climatiques, constitue un facteur de plus en plus important dans l’augmentation des pertes assurées. Son influence reste encore mesurée sur les pertes économiques, Verisk estime qu’il compte pour 1% de l’augmentation annuelle des pertes. “Néanmoins, son influence devrait devenir de plus en plus significative dans les dix prochaines années“, souligne dans l’étude Jay Guin, le directeur de la recherche de Verisk.
Ces chiffres avancés par le spécialiste de la modélisation des risques doivent désormais permettre au secteur de l’assurance à mieux se préparer “à des années de pertes importantes“, selon l’auteur de l’étude, qui ajoute que cela leur évitera de mettre en danger leur solvabilité. France assureurs, l’association française du secteur, indique justement que le dérèglement climatique se hisse de plus en plus haut dans le classement des risques établi auprès de la profession. Il se place en deuxième position juste derrière les cyberattaques et devant les risques économiques (démographie, croissance, risque de transition, etc.). Mais France assureurs indique que l’augmentation en fréquence et en sévérité des sinistres climatiques fait que “l’écart entre les trois premiers risques du classement n’a jamais été aussi faible et n’apparaît plus significatif“.