Publié le 10 septembre 2023
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Séisme au Maroc : "Quand on est pauvre, on ne construit pas avec des normes parasismiques"
Le bilan humain ne cesse de s’alourdir depuis qu’une partie du Maroc a été touchée dans la nuit du 8 au 9 septembre par un puissant séisme. Si les images de Marrakech, où des bâtiments se sont effondrés, ont fait le tour des médias, la moitié des décès se situe dans les petits villages du Haut-Atlas. Alors que des répliques sont attendues, la résilience des bâtiments pose question.

FADEL SENNA / AFP
Ce sont des images de désolation qui marquent le Maroc. Dans la nuit du vendredi 8 au samedi 9 septembre, un puissant séisme de magnitude 7 a frappé une partie du pays. Toute la région de Marrakech a été touchée alors que le bilan humain ne cesse de s’alourdir. Au moment de l’écriture de cet article, plus de 2 000 personnes étaient décédées et on déplorait 2 000 blessées. Plusieurs bâtiments se sont effondrés tout comme une partie du minaret de la célèbre place Jemaa el-Fna et une portion de l’historique muraille de Marrakech. Les secours s’organisent pour tenter de sortir les survivants des décombres. Le journaliste Pierre Abi-Saad évoque le tremblement de terre "le plus violent depuis un siècle".
مئات الضحايا حتى الآن نتيجة #زلزال هو الأعنف منذ قرن يضرب #المغرب، في #إقليم_الحوز جنوب غرب #مراكش، وانهيار جزء من #سور_مراكش التاريخي#المغرب_في_القلب#زلزال_المغرب
#زلزال_مراكش
pic.twitter.com/IEJoRMUZjg— Pierre Abi-Saab (@PierreABISAAB) September 9, 2023
"L’épicentre n’était pas loin du Mont Toubkal dans la chaîne de montagnes de l’Atlas. La ville la plus proche est Marrakech mais plusieurs petits villages un peu isolés se trouvent partout dans la montagne", rapporte à Novethic Mohamed Chlieh, sismologue à l’Institut des Sciences de la Terre de Grenoble. Si les images de Marrakech ont fait le tour des médias, celles des petits villages jonchés sur la montagne et difficilement accessibles, beaucoup moins. Or, la moitié des morts a été recensée dans les zones rurales montagneuses du Haut-Atlas. "Quand on est pauvre, on ne construit pas avec des normes parasismiques", souligne le sismologue.
"Notre réglementation ressemble à la réglementation française"
"Je me rappelle en 2004, lors du séisme de Al-Hoceïma, j’étais président de l’ordre des architectes, je m’attendais à trouver beaucoup de morts en milieu urbain parce que c’était très dense. Mais c’est en milieu rural que les décès étaient les plus nombreux", témoigne auprès de Novethic l’architecte marocain Omar Farkhani. "Les logements étaient construits de manière traditionnelle", explique-t-il.
Le Maroc, qui a connu deux séismes importants, celui de 2004, et celui de 1961 à Agadir où près de 12 000 personnes ont perdu la vie malgré une secousse de magnitude 5,7, a renforcé sa réglementation anti-sismique après ces deux douloureux évènements. "Notre réglementation ressemble à la réglementation française. Elle est plutôt bien respectée, mais le problème réside en milieu rural et dans les vieux bâtiments", déplore Omar Farkhani.
L’architecte explique que depuis plusieurs décennies, la maintenance des maisons traditionnelles se fait avec des matériaux modernes. "Des dalles en béton armé sont en quelque sorte posées sur des murs en terre, sans chaînages en béton ou fondations, ce qui les rend très vulnérables", explique-t-il. Selon Omar Farkhani, ces bâtiments combinés aux médinas représenteraient 30% des logements du Maroc. En attendant de réaliser un "véritable plan Marshall" pour financer une vaste politique de rénovation, appelé par l'ancien président de l'ordre des architectes, ce sont les répliques du séisme que craignent les habitants, les autorités et les spécialistes. Ces dernières sont en général moins importantes que la première mais elles peuvent migrer dans d’autres zones.
La crainte de répliques sur des bâtiments déjà fragilisés
"Les premières heures ce sont les "golden hours", les plus importantes pour sauver les survivants. Mais en parallèle, il ne faut pas se précipiter et réintégrer les gens dans les bâtiments dont on ne sait pas s’ils sont résistants", alerte l’ingénieur en risque sismique et auteur du livre "Le séisme sous toutes ses coutures : Les dessous d’une terre en mouvement", Samuel Auclair. "Un bâtiment endommagé par la première secousse est moins résistant, plus fragile, sa vulnérabilité augmentée, il peut y avoir un effet de fatigue. Il faut faire un diagnostic d’urgence", prévient-il.
Le sismologue fait d’ailleurs partie de l’Association française du génie parasismique (AFPS). D’une capacité de 300 inspecteurs, elle peut se déployer rapidement pour réaliser les premiers diagnostics et prêter mains fortes dans les zones touchées. "Ce type de dispositif peut être mobilisé dans les jours qui viennent en fonction des besoins qu’exprimera le Maroc".