Publié le 03 octobre 2023
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Les appels à mettre l’Azerbaïdjan sur liste noire se multiplient face à l’exode des Arméniens
Le départ du Haut-Karabakh de la quasi-totalité des Arméniens qui y vivaient depuis des siècles, a créé un électrochoc. La communauté arménienne et les défenseurs des droits humains appellent la communauté internationale à sanctionner l’Azerbaïdjan pour l’épuration ethnique qu’elle a déclenchée alors que l'Europe achète au pays non seulement son gaz et son pétrole, incluant probablement du gaz russe importé.

YOANN CAMBEFORT / AFP
"Le peuple arménien, celui qui a connu le premier génocide du XXᵉ siècle, connaît le premier nettoyage ethnique du XXIᵉ siècle", affirmait clairement Nathalie Loiseau, députée européenne et ancienne ministre chargée des Affaires européennes sur France Info ce week-end. Elle ajoutait. "L'Azerbaïdjan s'est engagé à nous livrer plus que ce qu'il produit, cela veut dire que par le biais de Bakou, on importe du gaz russe." Dénonçant "cette hypocrisie", elle s’est engagée à déposer une résolution au Parlement européen pour demander à modifier cet accord sur le gaz.
L’Azerbaïdjan est au 20e rang des réserves de pétrole et au 25e rang des réserves de gaz mais si son activité pétrolière a tendance à décroitre celle de gaz est en train d’exploser. Le secteur des hydrocarbures représentait près de 40 % de son PIB en 2019 et voulait se diversifier mais la guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie l’ont fait repartir de plus belle. Rien que la France a augmenté de 288 % ses importations de gaz et de pétrole entre 2021 et 2022 venant de ce pays dirigé par un autocrate Ilham Aliyev, au pouvoir depuis vingt ans.
Responsabilité des entreprises
À l’initiative de Paul Polman, ancien patron d’Unilever et vice-président du Pacte Mondial des Nations Unies, une poignée de dirigeants emblématiques dont Isabelle Kocher ou Richard Branson ont adressé le 27 septembre une lettre ouverte à Ilham Aliyev. Elle l’incite à respecter les droits des populations arméniennes dans le Haut Karabakh en rappelant que "les entreprises qui opèrent en Azerbaïdjan et dans le monde ont des responsabilités et doivent respecter les principes des Nations Unies sur le respect des droits humains par les entreprises". La lettre souligne que "cela les oblige à veiller à ce que les droits humains soient respectés dans leurs opérations tout comme dans leurs relations avec des gouvernements."
Cette lettre risque de rester sans réponse tant le dirigeant azeri a fermé l’accès de la zone du Haut Karabach aux observateurs étrangers et aux journalistes pour que les informations sur le sort des populations arméniennes circulent le moins possible. Lundi 2 octobre, Ilham Aliyev a inauguré le 70e congrès d’astronautique de Bakou en soulignant qu’en 30 ans l’Azerbaïdjan avait reçu 30 milliards de dollars d’investissements étrangers. Il a aussi insisté sur le fait que son pays "est un fournisseur fiable de ressources énergétiques sur les marchés internationaux et est considéré par l’Union Européenne comme un fournisseur paneuropéen".
Une liste noire peu probable
L'Azerbaïdjan peut-il être mis sur la liste noire des pays avec lesquels le commerce est fortement déconseillé ? Pour l’instant c’est plutôt lui qui a établi une liste noire de personnes interdites sur son territoire pour l’avoir attaqué sur son manque de respect des droits humains. Sa mise au ban est peu probable. En avril 2022, le Conseil France-Azerbaïdjan du Medef International qui s’était rendu à Bakou avec une délégation de 25 représentants d’entreprises "opérant dans les secteurs des transports, des énergies, des services urbains, de l’ingénierie et des services bancaires disposant d’expériences ou de projets sur les marchés azerbaïdjanais ou dans la région" rappelait l’engagement des entreprises françaises en Azerbaïdjan, partenaires de long terme du pays.
TotalEnergies y développe des projets gaziers et Alstom a réalisé les rames du métro de Bakou. L’appel a l’exclure du Conseil de l’Europe lancé par le Centre européen pour la Justice et la Loi risque donc de rester lettre morte.
Pourquoi l'#Azerbaidjan est encore membre du @CoE_fr?
L'Azerbaïdjan devrait faire l'objet d'une mesure d'exclusion du Conseil de l'Europe, à l'instar de la #Russie, en raison de son action au #HautKarabakh #caviargate pic.twitter.com/lS44qs3BYA— ECLJ - European Centre for Law & Justice (@ECLJ_Official) September 27, 2023
Le sort des populations arméniennes va quand même relancer le débat sur l’exclusion liée à des violations des droits humains qui avait agité le monde de l’ESG au moment des sanctions contre la Russie. La piqûre de rappel de Paul Polman sur les dix principes du Global Compact des Nations Unies dont les signataires s’engagent à respecter les droits humains dans l’ensemble de leurs opérations est donc bienvenue !
Anne-Catherine Husson-Traore, directrice des publications de Novethic