Publié le 17 août 2020
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En Biélorussie, des milliers d'ouvriers en grève défient le Président Alexandre Loukachenko accusé d'avoir truqué les élections
[Mis à jour lundi 17 août] Des dizaines de milliers de manifestants se sont rassemblés ce week-end à Minsk pour dénoncer une nouvelle fois l'élection d'Alexandre Loukachenko. Désormais, ce sont les ouvriers qui se mettent massivement en grève et défient le dirigeant.

@GettyImagesEurope/AFP
La crise s'aggrave chaque jour un peu plus. Dimanche 16 août, des dizaines de milliers de manifestants défilaient contre le président Alexandre Loukachenko et le gouvernement à Minsk. Ils ont défilé le long de l'avenue de l'Indépendance lors d'une "marche pour la liberté. Portant des fleurs, vêtus de blanc, les manifestants se dirigeaient au milieu des chants et des klaxons de voitures vers le monument érigé en mémoire des victimes de la Seconde Guerre mondiale. Les contestataires portaient à bout de bras un gigantesque drapeau blanc et rouge, les couleurs de l'opposition.
Le dirigeant biélorusse, de son côté, a maintenu ses positions face à la grogne du peuple. Il a rejeté les appels à de nouvelles élections et demande à ses soutiens de défendre le pays, embourbé dans une crise sociale. Ce lundi 17 août, à l'occasion d'un déplacement dans l'emblématique usine de tracteurs MTZ, dont la production est exportée dans toute l'ex-URSS et qui fait la fierté du pays, Alexandre Loukachenko s'est confronté directement à centaines d'ouvriers en colère qui reprenaient à l'unisson le slogan "Pars!".
Cette vidéo est absolument incroyable : les ouvriers de l’usine MZKT hurlent « pars !! » en pleine visite de #Loukachenko... « je vais vous répondre, vous pouvez encore crier » leur répond le président du #Belarus
pic.twitter.com/HRf1MdEjxJ— Antoine B (@Presqueprsiden1) August 17, 2020
"Tant que vous ne me tuerez pas"
"Nous prévoyons de participer à toutes les grèves pacifiques, les actions de protestations (...) pour que le pouvoir réalise finalement qu'il se bat contre son propre peuple", a déclaré à l'AFP Ilia Rybkine, un employé de 30 ans. Défiant, Alexandre Loukachenko a pourtant répété qu'il ne comptait pas abandonner le pouvoir. "Jamais je ne ferai quoi que ce soit sous pression", a-t-il déclaré: "Tant que vous ne me tuerez pas, il n'y aura pas d'élections".
En revanche, il envisage une nouvelle constitution sans plus de précision. La victoire d'Alexandre Loukachenko à la présidentielle a été perçue comme largement truquée, alors que la mobilisation en faveur d'une rivale inattendue, Svetlana Tsikhanovskaïa, 37 ans, a enflammé la Biélorussie avant le vote. Cette dernière est désormais en exil en Lituanie.
Intervention russe
Dans une vidéo, l'ambassadeur biélorusse en poste en Slovaquie, Igor Lechtchenia, s'est dit lui "choqué par les témoignages de torture et de passages à tabac". L'opposante Svetlana Tsikhanovskaïa, qui réclame l'organisation d'élections honnêtes et la libération des prisonniers politiques, a annoncé la création d'un comité pour organiser le transfert du pouvoir.
Le président biélorusse a agité samedi le spectre d'une intervention russe, affirmant que son homologue Vladimir Poutine lui avait assuré, lors d'un entretien téléphonique, son aide pour préserver la sécurité de la Biélorussie, une ex-république soviétique. Une menace de poids alors que la Russie représente 58,6 % des importations de la Biélorussie et 38,5 % de ses exportations. Dimanche, le Kremlin s'est dit prêt à fournir une assistance militaire, si nécessaire, dans le cadre du traité d'union liant les deux pays.
Sanctions britanniques
De son côté, le chef de la diplomatie britannique, Dominic Raab, a indiqué lundi que le Royaume-Uni "n'accepte pas les résultats" de l'élection présidentielle du 9 août en Biélorussie et compte "sanctionner les responsables" de la répression des manifestations. "Nous avons besoin de toute urgence d'une enquête indépendante par l'OSCE [Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe] sur les failles qui ont rendu injustes les élections, ainsi que sur la répression atroce qui a suivi", a-t-il déclaré.
L'Union européenne, deuxième partenaire économique de la Biélorussie et dont la réaction est très attendue, a donné son accord à des sanctions contre des responsables biélorusses liés à la répression ou à des fraudes électorales. Elle a annoncé un sommet extraordinaire mercredi 19 août.
Ludovic Dupin avec AFP