Publié le 08 mars 2022
SOCIAL
Avec la charge mentale, la charge écologique est un poids supplémentaire pour les femmes
Ce 8 mars marque une nouvelle journée dédiée aux droits des femmes. Mais ce constat n'a pas changé : les tâches domestiques restent encore majoritairement réalisées par les femmes, et désormais cela comprend aussi les petits gestes" en matière de protection de l’environnement. Cette inégalité persistante au sein du foyer les détourne aussi de la sphère politique.

JohnnyGreig / Istock
À la charge mentale s’est ajoutée pour les femmes, la charge écologique. Autrement dit, tous les écogestes du quotidien – du simple tri à l’objectif zéro-déchet, de l’achat des petits pots bios aux shampoings solides – reposent aussi sur les épaules des femmes. "Une activité à plus que plein temps" dénonçait même dans sa série Un autre regard dédiée au climat la dessinatrice-blogueuse Emma qui avait déjà popularisé la notion de charge mentale.
La charge mentale est le fait de penser simultanément et parfois jusqu'à l'épuisement, à tout ce qu'il faut faire tant pour sa famille que pour la gestion du foyer. À cela s’ajoute une forte dimension affective mais aussi morale selon Marie Donzel, directrice associée au sein du cabinet AlterNego et "c’est là que se joue la charge écologique", à la fois car effectuer ces gestes pour protéger la planète "renvoie à faire quelque chose de bien", mais aussi parce que quand les femmes "en ont marre, elles ont l’impression d’être en rupture avec les valeurs morales".
Partage des tâches domestiques
Si les hommes sont aussi concernés par l’écologie du quotidien en étant "codécisionnaires notamment pour ce qui concerne le recyclage, le bio ou certaines questions de parentalité comme la composition des produits" d’après Marie Donzel, la charge environnementale révèle cependant une nouvelle fois l'inégalité dans le partage des tâches. En 2019, une enquête de l’Ifop montrait la persistance des inégalités en la matière entre les deux sexes, en France et en Europe. 75 % des Européennes déclaraient en faire "plus" que leur conjoint. Et les travaux domestiques réalisés par les hommes apparaissent plus "différables comme le jardinage ou le tri des papiers", souligne Marie Donzel. A contrario, les tâches impérieuses – faire à manger aux enfants, changer les couches, s’occuper d’un enfant malade – reviennent encore aux femmes.
Cette différentiation trouve son origine dans l’éducation dès le plus jeune âge entre les filles et les garçons. "On apprend plus aux petites filles qu’aux petits garçons à se soucier des autres, explique à France culture Magalie Treholan, enseignante-chercheuse à la South Champagne Business School. C'est ce que l'on appelle "le care" en anglais ( …) le "prendre soin". Et effectivement, quand on regarde les études sur l'éducation, les petites filles sont plus touchées. Du coup, quand elles deviennent grandes, elles se sentent plus préoccupées par les autres, plus préoccupées par l’environnement."
Détournement de l’action politique
Ce partage inéquitable de la charge écologique entraîne aussi des conséquences en dehors du foyer. Il est souvent dit que l’écologie des petits gestes est l’affaire des femmes, alors que l’écologie politique est celle des hommes. La très faible présence des femmes dans les instances politiques semble d'autant plus le pointer. Seulement 6 % des postes ministériels en charge des politiques énergétiques et 15 % des conseils du Fonds vert pour le climat sont occupées par des femmes, rapportait France culture en 2020.
Si les écogestes sont importants et qu’il ne faut pas les dépolitiser : "arrêter de trier ses déchets, c’est les laisser polluer les sols ou les eaux", donne Marie Donzel à titre d’exemple, le sujet écologique doit être traité au plus haut niveau. Et les femmes, premières victimes des conséquences du réchauffement climatique dans le monde, ont aussi leur rôle à jouer dans la sphère politique. Mais pour y arriver, elles ne doivent plus être les seules à gérer les affaires du foyer.
Marion Chastain @MarionChastain