L’histoire a fait le tour du monde : George Clooney appelle à boycotter les neuf hôtels de luxe détenus par le sultanat de Brunei pour protester contre son projet de condamner à mort les homosexuels et les personnes adultères. Deux d’entre eux sont à Paris, le Plaza Athénée et le Meurice, et si la star américaine n’a pas vidé les deux palaces, elle a réussi à lancer un débat mondial sur la volonté de ce micro-État pétrolier asiatique d’appliquer une loi islamique moyenâgeuse.

George Clooney a utilisé pour cela une arme économique en établissant un lien direct entre le paiement d’un séjour dans un hôtel de luxe et une complicité tacite de violations des droits humains exercée par le propriétaire dudit hôtel. Ces sanctions économiques pour un motif politique sont une arme puissante qui s’est avérée particulièrement efficace dans la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud. Elles mêlent dimensions éthiques, religieuses, économiques et politiques.

Moins médiatisé mais beaucoup plus important en volumes, un autre cas symbolise cette géopolitique complexe du boycott économique. L’agrobusiness brésilien, soutien clef du président Bolsonaro qui effectue en ce moment un voyage officiel en Israël, fait pression pour l’empêcher de déplacer l’ambassade du Brésil à Jérusalem. C’est ce que souhaite son autre soutien précieux, l’église évangéliste.

Batailles politiques et religieuses sur le plan économique

Or le Brésil est le premier producteur et exportateur de viande halal. Il la vend pour un montant qui a dépassé les 11 milliards de dollars en 2018 aux principaux pays arabes, Égypte en tête. Celle-ci a, dès novembre 2018, menacé le Brésil de représailles et boycott s’il cédait aux demandes d’Israël. L’agro business brésilien craint de perdre son premier débouché.

Hôtel de luxe ou viande halal, le message est le même dans ces deux cas de figure. Les batailles politiques et religieuses se déroulent aujourd’hui sur le terrain économique. Elles témoignent d’une interconnexion globale qui fait qu’un hôtel de luxe occidental appartient à un régime asiatique musulman rétrograde et que la viande halal consommée dans les pays arabes vient massivement du Brésil. C’est une autre facette de la mondialisation que ces appels au boycott remettent en cause pour des raisons éthiques.

Anne-Catherine Husson-Traore,  @AC_HT, Directrice générale de Novethic