Publié le 12 février 2021
SOCIAL
De Fahrenheit 451 à Germinal : Six livres "déclic" à l'origine de nos engagements
Nous avons tous lu des livres qui ont changé le cours de nos vies, réveillé en nous la colère contre les injustices, éveillé notre esprit critique, illuminé le chemin que nous allions prendre. Chaque journaliste de Novethic a sélectionné un livre qui a provoqué chez lui une prise de conscience, un déclic initiateur d'un changement. De Into the Wild à Tout peut changer, voici notre sélection.

CC0
Le choix d'Arnaud Dumas
Into The Wild de Jon Krakauer, pour se reconnecter à la nature
Il était sans doute trop radical. Mais l’idéal d’Alexander Supertramp (Christopher McCandless à l’État civil), d’une société plus proche de la nature et moins hypocrite, ne souffrait pas de compromis. Le journaliste Jon Krakauer a patiemment retracé l’itinéraire de ce jeune américain qui, un beau jour de 1990, a décidé de quitter études, famille et amis, pour rejoindre le grand Nord. Il a donné ses économies à Oxfam, brûlé ses papiers d’identité, abandonné sa voiture et, en avril 1992, s’est installé dans un minibus abandonné au cœur de l’Alaska pour apprendre à vivre "into the wild". Idiot mal préparé pour les uns, visionnaire idéaliste pour les autres, Alex Supertramp a définitivement marqué par sa vision d’un monde plus simple, plus pur et plus durable.
Into the wild, Jon Krakauer, 2008, Edition 10/18, 284 pages
Le choix de Marina Fabre
"Germinal" d’Émile Zola, pour réveiller sa colère
"Moi, j’écris pour agir", disait Voltaire, mais c’est en lisant Zola que j’ai compris, adolescente, la signification de ces mots. Avec Germinal, Zola raconte la France d’en bas, celle qui descend dans les mines pour une bouchée de pain et qui crève des injustices sociales. Celle qui ne se résigne pas et qui lutte pour améliorer ses conditions, coûte que coûte. Un roman qui m’a transmis la colère des inégalités et la nécessité, toujours, de donner la parole aux oubliés. Une œuvre d’actualité qui, malgré la violence d’une France fragmentée, parfois cruelle, permet de résister à la tentation de baisser les bras.
Germinal, Émile Zola, 1971, Edition LGF, 608 pages
Le choix de Ludovic Dupin
"Les Fourmis" de Bernard Werber, pour donner goût à la science et à la biodiversité
J’avais 11 ans et c’est le premier livre que j’ai dévoré. On y suit deux histoires en parallèle. D’un côté, celle d’une famille qui récupère la maison de son vieil oncle entomologiste, spécialiste des insectes, et se perd dans les mystères qu’elle recèle. De l’autre, celles de trois fourmis qui vont, sur fonds de grandes guerres myrmécéennes, nous faire découvrir une société complexe d’insectes qui bâtissent, sèment, récoltent, s’adaptent, se battent… C’est ce livre, décrivant un écosystème d’une incroyable complexité sur le ton d’un thriller, qui m’a donné goût aux sciences de la vie et rendu sensible à la biodiversité. C’est sûrement lui qui m'a conduit au journalisme scientifique puis environnemental.
Les Fourmis, Bernard Werber, 1991, Ed. Albin Michel, 354 pages
Le choix de Concepcion Alvarez
"Tout peut changer", de Naomi Klein pour concilier les crises
Avant de me consacrer au climat, je m’intéressais à l’économie sociale et solidaire et à l’émergence d’une économie soucieuse de l’Homme et de la planète. C’est en lisant l’ouvrage de la journaliste canadienne Naomi Klein que j’ai pris conscience que le combat écologique est en fait le chapeau qui permet d’articuler l’ensemble des batailles pour répondre aux crises sociales, économiques et politiques. À partir d’un long travail d’enquête, elle démontre le lien entre la nécessité de changer le système et la lutte contre le changement climatique.
"Tout peut changer" de Naomi Klein, éditions Actes Sud, 2015, 540 pages
Le choix de Pauline Fricot
"Backlash" de Susan Faludi pour prendre conscience de la fragilité des droits des femmes
"Backlash", le contrecoup. Une enquête pointilleuse qui retrace la façon dont les petites et grandes victoires obtenues par les femmes au cours de l’histoire ont pu être instrumentalisées à leur encontre. Une revanche souvent sournoise, qui s’attelle au psychisme, au travail et au corps. Politique, mode, cinéma, littérature, médias… Tout y passe ! Un déclic, avec la prise de conscience de l’étendue des inégalités de genre, et surtout de la nécessité de ne jamais prendre un progrès pour acquis.
Backlash, Susan Faludi, 1991, Ed. des femmes Antoinette Fouque, 746 pages
Le choix d'Anne-Catherine Husson-Traoré
"Fahrenheit 451" de Ray Bradbury pour lutter contre la police de la pensée
La lecture de ce livre de science-fiction à l’adolescence a allumé une flamme qui ne s’est jamais éteinte. Parce qu’on y brûle les livres et qu’on interdit toute lecture, la société est entièrement contrôlée et aseptisée. Les écrans servent à formater les esprits qui ne se rebellent plus. Montag, le héros, finira par passer à la clandestinité parce qu’il a commencé à lire des livres qui lui permettront de retrouver son esprit critique. De cette lecture instructive, nait l’alerte sur les conséquences de la diffusion massive de désinformation. Elle endort les cerveaux et ouvre la porte à toutes les dérives totalitaires. Un demi-siècle plus tard, les livres sont délaissés au bénéfice des smartphones et réseaux sociaux qui forment un cocktail délétère pour la démocratie.
Fahrenheit 451, Ray Bradbury, 1955, Editions Denoël, 304 pages