Publié le 17 septembre 2023
SOCIAL
Violences, expulsions forcées : Dans l'ombre de la transition énergétique, les droits humains bafoués en RDC
Une nouvelle enquête publiée par Amnesty international révèle les conséquences sociales de l’exploitation des minerais, essentiels à la transition énergétique, en République démocratique du Congo (RDC). Violences, expulsions forcées… L’ONG a observé de multiples violations des droits humains dans le pays, qui fournit 70% de la demande mondiale de cobalt.

MARC JOURDIER / AFP
Les témoignages sont sans équivoque. Dans un rapport publié le 12 septembre, Amnesty international révèle les impacts sociaux de projets miniers en République démocratique du Congo (RDC). Conduite en collaboration avec l’Initiative pour la bonne gouvernance et les droits humains (IBGDH) basée dans le pays, l’enquête recueille la parole de nombreux habitants expropriés de leur logements et de leurs terres agricoles, menacés ou encore agressés pour permettre l’expansion de mines de cuivre et de cobalt.
Ces minerais, indispensables à la transition énergétique, sont notamment utilisés pour la fabrication de batteries. Plus de 13 kilogrammes de cobalt sont par exemple requis pour fabriquer un véhicule électrique moyen. Face à la production croissante de technologies "propres" dans le monde entier, 222 000 tonnes de cobalt seraient ainsi nécessaires d’ici à 2025, rappellent les auteurs du rapport. Une demande qui repose fortement sur la RDC. Le pays fournit plus de 70% de la production mondiale de ce minerai. Il est également le troisième producteur de cuivre, dont une grande partie des mines se situent dans la région de la "Copperbelt" (ou ceinture de cuivre, en français).
"Nous n’avons rien pu récupérer"
C’est dans cette zone, qui s’étend sur les provinces du Haut-Katanga et du Lualaba, jusqu’en Zambie, que se trouvent les trois sites pointés du doigt par Amnesty international. Si les résidents locaux "devraient pouvoir profiter de la croissance du secteur minier", estiment les auteurs de l’enquête, nombreux sont ceux qui ont reçu en réalité l’ordre de quitter leur logement, parfois au dernier moment et sans consultation préalable. "Nous, on n’a pas demandé à être délocalisés, c’est la société et le gouvernement qui sont venus nous dire : 'il y a des minerais ici'", se désole Edmond Musans, un habitant de la région.
À Mukumbi, c’est le village dans son entièreté qui a disparu. Les habitants racontent avoir été repoussés violemment tandis que leur logements étaient incendiés. "Nous n’avons rien pu récupérer (…). On a passé des nuits et des nuits dans la brousse", témoigne Kanini Maska, l’une des résidentes. À quelques kilomètres de là, une vingtaine d’agriculteurs ont vu leurs cultures rasées pour laisser place à l’expansion d’une mine. Une jeune femme ajoute avoir été violée par les militaires présents lors des opérations. Dans les trois cas, les habitants affirment ne pas avoir perçu d’indemnisation à la hauteur de leur perte. Pour certains, aucune compensation n’a même été versée.
Appel à une transition juste
Les auteurs de l’enquête dénoncent la situation, pourtant contraire aux lois adoptées par les autorités congolaises, qui n’appliqueraient pas ses propres mesures et viendraient même à faciliter les expulsions. "Amnesty International reconnaît l’importance cruciale des batteries rechargeables dans la transition énergétique pour mettre fin à la dépendance aux énergies fossiles, déclare Agnès Callamard, secrétaire générale de l’ONG. Cependant, la justice climatique exige une transition juste. Décarboner l’économie mondiale ne doit pas engendrer de nouvelles violations des droits humains."
Un autre rapport dévoilé en juin 2023 vient par ailleurs mettre en lumière les impacts sociaux dans le monde de l’exploitation de minerais tels que le nickel, le zinc, mais aussi le cobalt et le cuivre. Publiée par le Centre de ressources sur les entreprises et les droits de l'Homme, cette étude comptabilise 510 allégations de violations des droits humains entre 2010 et 2022, dont 65 rien qu’en 2022. Parmi les pays les plus concernés, la RDC arrive en troisième position, après le Pérou et le Chili, avec 55 allégations au total.