Publié le 20 janvier 2023

POLITIQUE

Jacinda Ardern, Première ministre néo-zélandaise emblème d'une politique alternative, démissionne

Le parcours de Jacinda Ardern, la Première Ministre néo-zélandaise, aura cassé tous les codes politiques depuis le début. Élue par surprise en 2017 à 37 ans, elle aura dirigé le pays pendant six ans en assumant maternité, empathie avec la population, attitude exemplaire lors des attentats de Christchurch, et réponses directes aux questions sexistes qui n’ont pas manqué pendant son mandat. Elle a décidé de s’en aller pour raisons familiales. On la croit. Dans ce monde de brutes, sa touche de douceur, de finesse et de sincérité va manquer ! 

Jacinda ardern MICHAEL BRADLEY AFP
La Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern a annoncé le 19 janvier qu'elle démissionnera le mois prochain.
MICHAEL BRADLEY / AFP

Jacinda Ardern a la voix nouée au moment de déclarer aux Néo-Zélandais qu’être leur Première Ministre a été le plus grand rôle de sa vie. Elle leur confie qu’elle a appris "qu’on pouvait être bon et fort, empathique et prêt à prendre des décisions difficiles, optimiste et concentré sur sa tâche et qu’elle avait pu avoir son propre style de leadership, celui qui sait quand il est temps de partir".

La vidéo a fait le tour du monde et les hommages se sont multipliés. Le respect qu’inspire cette femme exceptionnelle est dû à beaucoup de choses, dont sa capacité à ne pas se glisser dans les codes de pouvoirs virils. Elle raconte que le principal reproche qu’on lui a fait pendant ses années de Première Ministre était "de ne pas être assez agressive et affirmée et sans doute de considérer son empathie comme une faiblesse." Elle affirme : "Je me rebelle totalement contre cette image. On peut avoir de la compassion et être forte." 

Quitter la politique quand l’action que vous avez menée est unanimement saluée est une décision rare et d’autant plus impressionnante que Jacinda Ardern n’a que 43 ans. Elle part avec le sourire et la tête haute après avoir profondément transformé son pays. La Nouvelle-Zélande fait partie de ces pays qui ont décidé d’expérimenter des modèles d’évaluation destinés à remplacer le PIB par des indicateurs de bien-être. Elle participe à l’alliance Weall pour "Well being economy" qui travaille sur l’intégration de ces nouveaux indicateurs dans les politiques et les finances publiques. Un point commun avec la Finlande, dirigée par une autre jeune femme Sanna Marin.

Remarques sexistes

Devinez quoi ? Quand les deux premières ministres se rencontrent, les journalistes ne leur parlent pas des indicateurs de bien-être ou d’écologie mais du plaisir de se retrouver pour papoter ou presque. En novembre dernier, elles se sont vues à Aukland en Nouvelle-Zélande pour une visite officielle afin de parler défense et climat. Lors de la conférence de presse, un journaliste de la radio néo-zélandaise, Newstalk ZB, leur demande "si elles se sont rencontrées juste parce qu’elles ont le même âge et qu’elles ont beaucoup de choses en commun". 

Jacinda Ardern sourit jaune et répond du tac au tac. "Je me demande si quelqu'un a déjà demandé à Barack Obama et John Key (prédécesseur de Jacinda Ardern) s'ils se sont rencontrés parce qu'ils avaient le même âge" avant d’expliquer les poids économique et technologique des deux pays et pourquoi ils veulent travailler ensemble pour allier leurs forces.  

La réplique de la Première Ministre néo-zelandaise, qui restera en poste jusqu’au 7 février, rappelle la campagne menée en France par Sista au printemps 2022 pour déconstruire les biais sexistes auxquels sont confrontées les femmes de pouvoir. Elle posait à quelques grands patrons les questions réservées d’habitude aux femmes de pouvoir, ultra personnelles et superficielles !

Jacinda Ardern incarne une version alternative du rapport au pouvoir. Qu’elle choisisse de se retirer dans un moment où les démonstrations de puissance de dirigeants de bon nombre de pays créent un climat violent et des tensions géopolitiques majeures handicapant toute négociation pour préserver le climat ou la biodiversité, n’est pas une bonne nouvelle !

Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT_, directrice générale de Novethic


© 2023 Novethic - Tous droits réservés

‹‹ Retour à la liste des articles

POLITIQUE

Politique

Les acteurs politiques sont les seuls à même d'activer les grands leviers qui permettront, à grande échelle, la transformation responsable de l'économie et de la finance. Des conditions sine qua nonpour s'orienter vers un modèle soutenable.

Pays bas extreme droite JOHN THYS AFP

Pays-Bas : la victoire de l’extrême droite annonce-t-elle la défaite du Green deal aux élections européennes ?

Le résultat des élections législatives organisées aux Pays-Bas le 22 novembre montre que les électeurs néerlandais ont préféré ceux qui désignent des boucs émissaires aux crises multiples du moment, à ceux qui privilégient les solutions et l’adaptation à un monde qui change. Geert Wilders, le leader...

Soulevements de la terre on n est pas dissous capture d ecran compte X SLT

Le Conseil d’État annule la dissolution des Soulèvements de la Terre, estimant que c'était une "décision disproportionnée"

La décision du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui voulait en finir avec les Soulèvements de la Terre via leur dissolution, n’était ni "nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée". C’est l’avis du Conseil d’État qui a annulé la dissolution du collectif jeudi 9 novembre en application du...

Elections argentine JUAN MABROMATA LUIS ROBAYO AFP

L’Argentine coule économiquement et son futur président, Javier Milei ou Sergio Massa, n’a pas vraiment de solutions

L’Argentine a gagné la Coupe du monde de football mais perd sur tous les tableaux économiques : inflation à 140%, près de la moitié de la population en-dessous du seuil de pauvreté, monnaie en chute libre et dette qui explose. Les élections présidentielles se déroulent dans ce contexte explosif. Le...

Donald tusk pologne JANEK SKARZYNSKI AFP

Les Polonais défendent les valeurs européennes en votant pour la coalition de Donald Tusk

Les Polonais ont doublement surpris lors de leurs élections législatives, par le niveau de leur participation (près de 73%) et par leur choix clairement pro-européen. La coalition civique emmenée par Donald Tusk a remporté un franc succès faisant mentir les sondages et mettant fin à la domination...