Publié le 28 octobre 2020
POLITIQUE
Tiraillé entre les enjeux sanitaires et économiques, Emmanuel Macron impose un reconfinement "allégé"
Ne pas faire le choix entre l’économie et la santé. Tel était le mot d’ordre d’Emmanuel Macron qui a imposé aux Français un nouveau douloureux confinement constatant l’échec du couvre-feu. Ainsi jusqu’au 1er décembre au moins, les activités des citoyens seront mises à l’arrêt à l’exception du travail et de l’école. L’enjeu est de gagner du temps avant d’atteindre la saturation des services de réanimation, quasiment inévitable.

@PhilippeLopez
Depuis plusieurs jours, les annonces tombaient un peu partout en Europe (Irlande, Allemagne, Espagne, Italie…) et la France n’a pas fait mieux que ses voisins. Les nouveaux cas de Covid approchent les 40 000 par jours et "la deuxième vague est plus meurtrière que la première", explique le chef de l’Etat. "J'ai décidé qu'il fallait retrouver à partir de vendredi le confinement sur tout le territoire national", a expliqué Emmanuel Macon.
Après avoir consulté les scientifiques, dialogué avec les forces politiques, économiques et sociales, après avoir échangé avec nos partenaires européens, et pesé le pour et le contre, j’ai décidé qu’il fallait retrouver à partir de vendredi le confinement qui a stoppé le virus.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) October 28, 2020
Toutefois, c’est un confinement légèrement allégé puisque les crèches, les écoles, les collèges et les lycées resteront ouverts. De plus, le Président a appelé les Français à continuer le travail, en favorisant au maximum le télétravail. "Comme au printemps, vous pourrez sortir de chez vous pour aller travailler, vous rendre à un rendez-vous médical, pour porter assistance à un proche, pour faire vos courses ou prendre l'air à proximité de votre domicile.(...) Les salariés et les employeurs qui ne peuvent pas travailler continueront quant à eux à bénéficier du chômage partiel".
Travailler et se confiner
Les bars, les restaurants et les commerces non essentiels seront fermés. Ce sont ces secteurs qui vont payer le tribut économique le plus lourd. Cependant, pour ces derniers, le Président promet que si l’épidémie est remise sous contrôle, des réouvertures seraient envisageables. "Tous les quinze jours, nous ferons le point sur l'évolution de l'épidémie. Nous déciderons, le cas échéant, de mesures complémentaires et nous évaluerons alors si nous pouvons alléger certaines contraintes (...) Si d'ici quinze jours, nous maîtrisons la situation, nous pourrons alors réévaluer les choses et espérer ouvrir certains commerces".
Cette injonction paradoxale de se confiner et de continuer à travailler n’est pas sans soulever une certaine incompréhension. "Tous les foyers de contamination restent ouverts. Mais que reste-t-il de nos vies ? Nous respecterons la discipline sanitaire. Mais sans cautionner ce pilotage incohérent", dénonce ainsi Jean-Luc Mélenchon, chef de file de la France Insoumise. De son côté, le Président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, déplorait déjà mardi 26 octobre le choix du confinement qui entraînerait "un effondrement de l’économie".
La fragilité de l’hôpital public
Emmanuel Macron justifie : "Je ne crois pas à l'opposition entre santé et économie que certains voudraient instaurer". Selon lui, "il n'y a pas d'économie prospère dans une situation sanitaire dégradée. Il n'y a pas de système de santé efficace sans une économie saine". Ce confinement allégé a pour but de gagner du temps avant une saturation des 10 000 lits de réanimation mobilisables en France. Selon les experts médicaux, il y aura 9 000 personnes en réanimation mi-novembre.
Beaucoup reprochent au Président de ne pas avoir investi dans l’hôpital public, en grande difficulté déjà bien avant la crise, pour faire face à cette seconde crise. Entre-temps, a bien eu lieu le Ségur de la santé qui prévoit de déverser huit milliards d’euros pour l’hôpital. Mais Emmanuel Macron rappelle qu’il faut cinq à dix ans pour former des personnels de réanimation. "Il n’y a pas de solution miracle", assure Emmanuel Macronaprès avoir également évoqué l’immunité collective (trop coûteuse en vies), l’isolement des personnes vulnérables (peu efficace) et le dépistage massif (insuffisant).
Le principal risque est aujourd’hui que si l’hôpital est mieux armé en masques, en médicaments, en lits, en respirateurs, il l’est moins en ressources humaines. Sur Paris Première, Michaël Peyromaure, chef de service de l’hôpital Cochin à paris explique "Nous attaquons la deuxième vague avec moins de personnel que la première". Une des raisons pour laquelle Emmanuel Macron appelle à la mobilisation citoyenne, même s’il sait "la lassitude et cette impression d'un jour sans fin qui tous nous gagne, nous devons, quoi qu'il arrive, rester unis et solidaires et ne pas céder au poison de la division".
Ludovic Dupin