Publié le 17 février 2022
POLITIQUE
Bolloré : Stop ou encore ? Question centrale pour le rôle de Zemmour dans les Présidentielles 2022
Vincent Bolloré a construit un empire médiatique depuis plusieurs années mais 2022 est son année cruciale. Parce qu’elle officialise son vrai faux retrait des affaires économiques et parce qu’elle est celle de la consécration de sa stratégie d’influence politique à travers la promotion multicanal d’Éric Zemmour et de ses idées dans la campagne présidentielle. Analyse d’un lobbying qui ne dit pas son nom.

Anne-Catherine Husson-Traore
Souvenez-vous à l’été 2021, Éric Zemmour était un simple polémiste à qui CNEWS, chaîne d’info continue transformée par Vincent Bolloré en chaîne d’opinion orientée très à droite, offrait une vitrine quotidienne. En septembre, quand il sort son livre pamphlet "La France n’a pas dit son dernier mot" celui-ci bénéficie de la meilleure exposition dans les Relay du groupe Lagardère. À ce moment la Vivendi piloté par Vincent Bolloré ne détient que 25 % de ce groupe mais les 20% supplémentaires acquis en fin d’année lui permettent de contrôler un groupe de presse dont les têtes de gondole sont deux journaux à diffusion grand public Paris Match et le Journal du Dimanche.
Depuis septembre la place médiatique pris par le candidat d’extrême droite n’a cessé d’enfler et ses messages sont massivement relayés. CNews a permis d’installer ce discours. Les opinions les plus extrêmes étant diffusées sans contrainte sur une chaine en accès gratuit via la TNT, cela élargit le champ de l’acceptable. C’est ce qu’on appelle la fenêtre d’Overton.
Intéressant article publié par @lemondefr sur le concept de "fenêtre d’Overton". Nous en avions d’ailleurs parlé sur @cliquetv. Il y a plus de deux ans.pic.twitter.com/RSBfguWNRQ https://t.co/hlDaQ5KlrC
— Clément Viktorovitch (@clemovitch) February 16, 2022
"Une retraite de façade"
Cette surexposition médiatique est relayée par un travail de lobbying numérique intense décrit dans le livre du journaliste Vincent Bresson "Au cœur du Z". Celui-ci est publié aux Éditions Goutte d’or, petite maison d’édition. Difficile à imaginer dans une plus grande puisque depuis sa prise de contrôle de Lagardère, Vincent Bolloré étend son influence sur le marché de l’édition dont il détient les deux géants, Editis et Hachette. Ce n’est donc pas un hasard si le 16 février, maisons d’éditions, médias mais aussi chercheurs, syndicats et associations, ont créé le collectif StopBolloré, rappelant que ce dernier détiendra bientôt plus de 70 % des livres scolaires, la moitié des livres de poche, une centaine de maisons d’édition et un quasi-monopole sur la distribution des livres.
Le collectif appelle ainsi à "empêcher" cette "révolution rétrograde". À la veille du départ à la retraite de Vincent Bolloré, le timing peut surprendre. "C’est une retraite de façade, Vincent Bolloré maintient son influence pendant qu’Éric Zemmour bat la campagne. On veut retrouver un espace politique et médiatique respirable", confie l’historienne des révolutions et de la citoyenneté et membre du collectif, Mathilde Larrère. Les procédures étant un des meilleurs moyens de rogner les marges de manœuvre de Vincent Bolloré, certains membres du collectif ont saisi l’Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), l’ancien CSA, à propos de "multiples manquements" observés.
Parallèlement, une plainte a été déposée contre X pour "provocation à s’armer contre une partie de la population non suivie d’effet", après des propos tenus par Éric Zemmour sur CNews. "Il y a un sursaut qui est en train de se réaliser. On voit une convergence entre le livre de Julia Cagé, Contre-Bolloré Pour une télé libre, le film de Médiapart MediaCrash, notre collectif… Même si le caractère hégémonique du discours réactionnaire rend difficile la conscientisation des citoyens, j’ai confiance en leur capacité à se défendre". Encore un débat politique majeur qui s’organise en dehors du cadre de la campagne !
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic et la rédaction