Publié le 04 février 2020
INFOGRAPHIES & VIDÉOS
[Infographie] Controverses sur l'huile de palme : comprendre les enjeux
Manne économique pour des pays en développement comme l'Indonésie et la Malaisie. Ennemi majeur du développement durable et de la biodiversité pour une partie du reste du monde. L'huile de palme alimente de nombreux débats, notamment en Europe qui tend à lui fermer ses frontières. De l'autre côté de la chaîne, les pays producteurs crient à une injuste discrimination.

Bay Ismoyo / AFP
C'est l'ingrédient miracle. L’huile de palme est présente dans la plupart de nos biens de consommation courants : biscuits, pâte à tartiner, céréales, shampoing, savons, rouge à lèvres et jusque dans les moteurs de nos voitures. Les industriels en raffolent car elle a permis de remplacer les acides gras trans dans les produits manufacturés et les produits d’origine animale dans les produits d’hygiène et de soins. Elle est en outre bon marché, extrêmement rentable comparée aux autres huiles, elle résiste à la chaleur et à l’oxydation et son goût neutre permet de révéler les autres saveurs. Cerise sur le gâteau : les palmiers à huile produisent des fruits toute l’année.
Chaque Français, par exemple, en consomme 2,8 grammes chaque jour en moyenne. Mais cette forte dépendance mondiale a des conséquences néfastes sur l’environnement. Car à mesure que sa production augmente – elle a été multipliée par cinq depuis 1995 et devrait encore quadrupler d’ici 2050 – des forêts primaires vitales partent en fumée sur les îles paradisiaques d’Indonésie et de Malaisie, d’où provient 71 % de l’huile de palme mondiale. Une déforestation néfaste pour le climat car émettrice de CO2, pour la biodiversité avec 193 espèces animales menacées, et pour les populations locales dont les droits sont souvent violés.
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La remplacer serait pire encore
Faut-il alors la boycotter ? La moitié de la population mondiale utilise l’huile de palme pour son alimentation, s’en passer serait donc compliqué. Et "la remplacer par d’autres huiles serait encore pire", alerte l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) dans un rapport publié en 2018. Les experts estiment en effet que les autres cultures oléagineuses requièrent jusqu’à neuf fois plus de terres pour le même volume de production.
Pour les industriels, qui expliquent ne pas pouvoir s’en passer pour des raisons souvent techniques, la solution consiste à se tourner vers des huiles de palme certifiées durables. Mais le dernier classement du WWF sur l’approvisionnement en huile de palme responsable (1) montre "qu’aucune entreprise n’atteint le meilleur score et que la plupart d’entre elles ont encore un long chemin à parcourir pour tenir leurs objectifs "zéro déforestation” que la plupart d’entre elles se sont fixés pour 2020". "C’est bien vers une interdiction de l’huile de palme non responsable qu’il faut s’orienter", plaide l’ONG.
En outre, ces entreprises sont concentrées en Occident alors que plus de 65 % de la consommation d’huile de palme se fait dans les pays en développement, plus la Chine. L’Inde est ainsi le premier importateur mondial. Le pays utilise l’huile de palme pour remplacer l'huile de soja dans les plats traditionnels mais surtout pour répondre à la demande d’une industrie de la malbouffe en pleine croissance et d'une population dont les revenus augmentent.
De l’huile de palme dans nos moteurs
La polyvalence de l'huile de palme ne se limite pas à la nourriture. L’Union européenne, qui est le troisième consommateur au monde, utilise 53 % de ses importations pour fabriquer des biocarburants mais Bruxelles a décidé d’en restreindre l’usage. En France, où le taux atteint 76 %, le gouvernement a supprimé l’exonération fiscale pour l’huile de palme mais pas pour les PFAD, ces acides gras de palme issus de la production d'huile de palme alimentaire.
"Ce type d’usage doit cesser car c’est une cause majeure de changement d’affectation des sols indirect, et donc de déforestation. Même issus de plantations certifiées, les volumes colossaux nécessaires à la production d’agrocarburants à partir d’huile de palme concurrencent les volumes destinés à l’alimentation humaine, entraînant le recours à des plantations supplémentaires et donc de la déforestation", explique le WWF.
À l’autre bout du monde, l'Indonésie a porté plainte devant l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) contre l'Union européenne dénonçant une politique qu'elle estime "discriminatoire" contre l'huile de palme. La Malaisie a aussi brandi la menace d'une plainte devant l'OMC. L'huile de palme représente désormais 13,7 % du revenu national brut de la Malaisie et est la principale exportation de l'Indonésie. Les deux pays mettent en avant la réduction de la pauvreté permise par le développement de l'huile de palme.
Concepcion Alvarez, @conce1
(1) Voir le classement du WWF