Publié le 26 février 2022
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Amazon ne paie pas assez d'impôts malgré ses profits records : une pratique de plus en plus contestée
Amazon est devenu spécialiste dans l’art de tirer profit des lois fiscales, estime une ONG américaine. En 2021, le géant du numérique a réalisé des résultats financiers records, avec près de 35 milliards de dollars de bénéfices, mais n’a payé qu’une faible part d’impôt. Des voix commencent toutefois à s’élever contre ces pratiques, et demandent à Amazon non seulement de payer sa part juste d’impôt, mais aussi de mieux traiter ses salariés.

@CCO
Bonne nouvelle pour Amazon ! Le géant du numérique a enregistré des profits records l’année dernière, avec un chiffre d’affaires approchant les 470 milliards de dollars. Son résultat avant impôt a quant à lui dépassé les 35 milliards de dollars, contre un peu moins de 20 milliards en 2020. Mais une ONG américaine refuse de participer à la fête. Elle pointe la trop faible participation d’Amazon aux recette fiscales fédérales et rappelle que, outre le commerce en ligne et les services Internet, la firme s’est également spécialisée dans l’art de réduire au maximum sa facture fiscale.
L’Institute on taxation and economic policy (Itep, Institut sur la fiscalité et la politique économique) a ainsi calculé qu’Amazon n’avait payé que 2,1 milliards de dollars d’impôt fédéral sur les sociétés en 2021. Cela équivaut à un taux effectif de 6 %, alors que le taux normal est de 21 %. L’Itep estime ainsi qu’Amazon aurait dû régler 7,3 milliards de dollars auprès de l’administration fiscale. Et il ne s’agit pas là d'une pratique exceptionnelle pour Amazon qui, à part un "pic" à 9,4 % en 2020, a toujours payé des impôts à des taux encore bien inférieurs les années précédentes. Jusqu’à être négatif en 2018, en profitant notamment de la loi fiscale passée par l’Administration Trump.
La société créée par Jeff Bezos n’a cependant rien commis d’illégal. Elle a simplement utilisé des mécanismes de crédits d’impôt et de déductions fiscales de certains revenus autorisés par la loi. Un rapport réalisé par Good jobs first, un organisme basé à Washington, et UNI Global Union, une fédération syndicale internationale basée en Suisse, révèle ainsi qu’Amazon a bénéficié de 4,7 milliards de dollars de subventions publiques et de réductions d’impôts dans le monde et plus de 4 milliards aux États-Unis depuis 2012.
"Make Amazon Pay"
"Il n’y a aucune raison pour des administrations nationales, régionales ou locales d’aider Amazon à compenser des coûts opérationnels qui sont vitaux pour sa stratégie", déclare Kenneth Thomas, un chercheur chez Good jobs first, en mentionnant les aides publiques perçues par l’entreprise pour l’installation d’entrepôts logistiques et de data centers. "Ils devraient arrêter de fournir des subventions à Amazon et utiliser cet argent pour investir dans des PME et des services publics", reprend-il.
Des organisations syndicales font par ailleurs le lien entre les pratiques fiscales et les pratiques sociales d’Amazon, et commencent à donner de la voix. La coalition "Make Amazon Pay" réunit ainsi 70 organisations (syndicats, ONG, etc.) pour demander à la multinationale de payer sa "part juste d’impôts" et de rémunérer correctement ses salariés. La coalition a, deux années de suite, organisé des mouvements de grève et de protestation dans certains des sites de l’entreprise pendant le Black Friday, fin novembre.
Plus anecdotique, la version française de la plateforme de streaming d’Amazon a demandé à ses followers de lui donner des idées pour changer sa "bio", le petit texte descriptif présent sur son profil Instagram. Mais elle a connu un vif retour de bâton. Le message le plus partagé par les internautes était en effet "Promis, on paiera nos impôts en France". Prime Video a toutefois préféré l’ignorer…
Arnaud Dumas, @ADumas5