Publié le 28 juillet 2021
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Nouvel activisme climatique : Engine N°1, le fonds d’investissement qui fait plier ExxonMobil
Engine N°1 ne veut pas être un actionnaire comme les autres. Le tout petit fonds d’investissement californien veut transformer les entreprises en usant des méthodes traditionnelles des fonds activistes. Sa première cible, ExxonMobil, a dû intégrer dans son conseil de nouveaux administrateurs plus favorables à la cause climatique. Toute la semaine, Novethic explore les nouvelles formes d’activisme climatique qui prennent de l’ampleur en France.

@ExxonMobilAustralia
"Hedge funds", fonds activistes… Ces mots font en général plutôt référence à des techniques financières agressives visant à dégager de juteuses plus-values en peu de temps. Engine N°1 prend à revers ces idées reçues. Ce petit fonds d’investissement, créé fin 2020 par une dizaine de spécialistes de la finance, se positionne comme un agitateur des entreprises qui ambitionne de créer de la valeur à long terme en prenant en considération leurs impacts sur leurs écosystèmes et leurs parties prenantes.
Pour sa première campagne activiste, Engine N°1 n’a pas hésité à rejouer David contre Goliath. La petite firme d’investissement a décidé de s’attaquer à ExxonMobil, la plus grosse société pétrolière privée au monde, souvent pointée du doigt pour être la major la plus à la traîne sur le climat. C’est précisément pour cette raison que le fonds basé à San Francisco a choisi Exxon. Et pour faire bouger l’immuable major pétrolière, Engine N°1 a employé les techniques habituelles des actionnaires activistes.
Un site internet intitulé "Reenergize Exxon" (Réénergiser Exxon) a été créé pour partager des informations sur le pétrolier. Engine N°1 a travaillé sur les données de la major pour monter son dossier et affûter ses arguments afin de transformer le modèle d’affaires. La conclusion ? ExxonMobil, ancienne gloire du S&P 500, principal indice boursier américain, ne cesse de perdre de la valeur. Son entêtement à miser sur les énergies fossiles pour le futur, en contradiction avec l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement climatique à moins de 2°, et la faiblesse de son plan de transition climatique, mettent en danger l’entreprise.
"Un petit fonds spéculatif"
En conséquence, Engine N°1 veut nommer trois nouvelles personnes au conseil d’administration d’ExxonMobil pour défendre l’idée de la transformation du pétrolier vers un modèle plus durable. La campagne activiste commence. Une longue lettre est envoyée à Darren Woods, le PDG, pour lui exposer les griefs de son minuscule actionnaire (il détient moins de 1 % du capital de l’entreprise). Pour montrer les muscles, et ne pas rester seul dans son coin, Engine N°1 a contacté d’autres investisseurs, de grands noms qui pourraient appuyer sa démarche. CalSTRS, plus grand fonds de pension californien, et l’Église d’Angleterre sont les premiers à répondre à l’appel. La campagne prend de l’ampleur et menace le bon déroulé de l’assemblée générale d’ExxonMobil, du 26 mai.
Preuve que ce nouvel activiste du climat est pris au sérieux, ExxonMobil après avoir exhorté ses actionnaires de ne pas faire confiance à ce "petit fonds spéculatif", a opéré quelques concessions dans sa stratégie bas carbone. Bien insuffisantes aux yeux de l’investisseur pour le climat ! Engine N°1 a continué à exercer une pression ferme sur Exxon, ralliant de nouveaux investisseurs à sa cause dont BlackRock, le plus gros investisseur mondial.
Jusqu’au jour de l’assemblée générale, cette grand-messe de la vie des entreprises où la campagne de l’activiste atteint son but. La résolution déposée par Engine N°1 demandant trois nouveaux administrateurs a été adoptée à la majorité des actionnaires, contre l’avis des dirigeants de l’entreprise. Une véritable gifle pour le management ! En adoptant les techniques habituelles de l’activisme financier pour forcer un groupe de la taille d’Exxon à prendre en compte les enjeux climatiques, Engine N°1 a donné un coup de jeune à l’activisme actionnarial. Quelle sera, désormais, sa prochaine cible ?
Arnaud Dumas, @ADumas5