Publié le 30 avril 2015
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Assemblée générale d'Engie (ex-GDF-Suez):les "anti-charbon" pointent les contradictions du groupe
Coup de théâtre à l'Assemblée générale du Groupe Engie (anciennement GDF-SUEZ) : ce 28 avril, des militants de l'ONG Les Amis de la terre, masqués en François Hollande, ont tenté de pénétrer dans le lieu où se tenait cette AG. Ils protestaient contre les projets du groupe basés sur le charbon, et voulaient demander à Engie d’aligner ses choix énergétiques sur ceux de l’un de ses principaux actionnaires, à savoir l’État français, qui a annoncé le retrait de ses subventions publiques à l'export aux centrales à charbon. Derrière cette action coup de poing, des enjeux complexes. Décryptage.

Les Amis de la terre
Une Assemblée générale d’actionnaires peut être le théâtre d’un débat de fond sur le thème complexes des soures d'énergie. C'est parfois de façon volontaire que la discussion est amorcée, comme dans le cas de l'Assemblée générale des actionnaires de BP, qui s'est tenue le 19 avril.
Mais quand le débat ne fait pas partie de l'assemblée générale, il peut être provoqué par des actions choc, sous la pression d’ONG qui souhaitent interpeller l’entreprise. Les Amis de la Terre ont choisi la deuxième option en décidant de forcer la porte de l’assemblée générale d'Engie (ex-GDF Suez) ce 28 avril, pour faire le procès de ses projets axés sur le charbon.
Des engagements symboliques annoncés par Engie
Quelques jours auparavant, le groupe GDF-Suez avait été rebaptisé Engie afin de mieux souligner sa dimension internationale et son positionnement sur la transition énergétique. Plus tôt en avril, Gérard Mestrallet, son président, avait également signé la lettre ouverte des dirigeants internationaux aux négociateurs de la COP 21, manifestant ainsi son engagement sur le climat.
Autant de raisons pour les Amis de la Terre de lui demander de mettre en pratique ces engagements, en renonçant notamment à tout projet lié au charbon, énergie dont les effets sont particulièrement nocifs pour le climat. En novembre dernier, en ouverture de la dernière conférence environnementale, François Hollande annonçait d'ailleurs l'exclusion du charbon des crédits à l’export (hors centrales thermiques avec captage et stockage du CO2).empreinte-terre/climat/isr-rse/conference-environnementale-francois-hollande-veut-penaliser-le-charbon-et-favoriser-la-democratie-p.html.
"Engie est une entreprise dans laquelle l'État prend des décisions stratégiques : en toute logique, elle doit suivre les indications du gouvernement et mettre fin au soutien public à des projets charbon. Mais l'entreprise continue de vouloir investir dans cette énergie en Afrique du Sud, ou encore en Pologne. Nous lançons une mobilisation citoyenne car l'urgence climatique est trop grande" explique Clémence Hutin, des Jeunes Amis de la Terre.
Les ONG questionnent, Engie temporise
Au cours de l’Assemblée générale, l’ONG environnementale a finalement pu demander à Gérard Mestrallet quelle était sa politique sur le charbon. À la question "Allez-vous renoncer à la Centrale de Thaba Metsi en Afrique du Sud, à la Centrale de Leschna en Pologne et à toutes les autres centrales à charbon et autres projets destructeurs ?", le président d’Engie a répondu qu’il n’avait pas de projets de centrales charbon actuellement dans les deux pays, sans convaincre les Amis de la Terre.
Il a ensuite souligné qu’en Afrique du Sud, où le groupe avait déjà été attaqué sur le même sujet, comme en Inde, les choix énergétiques des gouvernements souverains sont guidés par leur préoccupation de donner un large accès à l’énergie, accès à la hauteur des besoins de leurs populations. À titre d'exemple, il a cité l'Inde : "Les dirigeants indiens veulent développer, massivement, les énergies renouvelables, tout en disant qu'ils ne peuvent pas faire autrement que de développer aussi le charbon".
Le dirigeant du groupe Engie s'est également dit convaincu que l’énergie est en train de changer radicalement de modèle, et a relié le débat au financement de projet d’énergies renouvelables menés par des entrepreneurs sociaux en Inde. Le charbon n’est pas une priorité pour le groupe, a-t-il souligné.
Une stratégie de désengagement progressif sur le charbon ?
Début 2014, le groupe a de fait annoncé une dépréciation de près de 15 milliards d’euros de ses actifs européens de centrale à gaz et au charbon. Le début d'un changement de stratégie du groupe, que son président a résumé lors de l’assemblée générale : "Il y a dix ou vingt ans, on considérait dans le monde que l'accès à l'énergie pour tous allait coûter des centaines de milliards. Aujourd'hui, comme pour les télécommunications, on peut passer directement à la technologie ultime, être complètement décentralisé, et donner accès à l'énergie sans construire de grandes centrales, sans construire de lignes de transport ou de lignes électriques de distribution."
Gérard Mestrallet a proposé aux Amis de la Terre de collaborer sur ces projets de transition énergétique. Mais L'ONG aurait préféré un"Non" franc et massif à tout projet de charbon.
Actualisation. Le 3 juin 2015, après des mois de mobilisation en France et en Afrique du Sud contre le projet de centrale à charbon de 1200 MW de Thabametsi, Engie, qui s'était montrée intéressée par le projet, a annoncé qu’elle s'en retirait. Les Amis de la Terre qui avaient diffusé un documentaire sur le sujet, Earthlife Africa et Oxfam France saluent l'annonce du PDG Gérard Mestrallet, tout en rappelant que l'urgence climatique impose la fin de l'ensemble des activités d'Engie d'ici 2020.