Publié le 06 mai 2021
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Plastiques, discriminations, salaires… Les actionnaires mettent la pression sur les grandes entreprises
La saison des Assemblées générales bat son plein à travers le monde et la discussion avec les actionnaires n’est pas toujours simple. Chez GE, la rémunération du DG a été rejetée, tandis que la direction du chimiste Dupont a été sommée de mesurer sa pollution plastique. Quant au géant de l’agroalimentaire Tesco, il devrait mesurer sa responsabilité en matière d’obésité, tandis que Citigroup va devoir faire un audit sur les inégalités raciales.

@Alphaspirit
Il est loin le temps des Assemblées générales menées tels des longs fleuves tranquilles où les actionnaires votaient en masse les résolutions soutenues par la direction des entreprises, en échange de généreux dividendes. Depuis plusieurs années, ces dernières se font bousculer par des actionnaires activistes qui reçoivent de plus en plus de soutien. En 2020, malgré la crise sanitaire, Total avait été mis sous pression en matière de climat, un ancien dirigeant de Sanofi s’était vu refuser son package de départ, Unibail-Rodamco-Westfield avait dû dire non à son augmentation de capital. 2021 semble d’ores et déjà aller plus loin.
Dupont Chemical : mesurer sa pollution plastique
La chimie a un lourd impact environnemental. Mais jusque-là, ce secteur était plutôt passé entre les gouttes de l’appel à l’action. Toutefois, l’Assemblée générale du chimiste américain Dupont devrait marquer un changement majeur. Une résolution d'actionnaires, menés par As you Sow, demandait à l’entreprise de mesurer son implication dans la pollution plastique, en particulier à travers les déversements de granulés dans l’environnement. La direction du groupe appelait à la rejeter, mais les actionnaires se sont prononcés en sa faveur à un taux inédit de 81,2 %. Alors que Dupont a jusqu’alors résisté, d’autres chimistes se sont déjà engagés sous la pression actionnariale à faire état de leurs déversements, comme Dow Chemical ou les divisions chimie de Exxon et Chevron.
Tesco : prendre ses responsabilités face à l’obésité
C’est une première au Royaume-Uni et l’une des premières fois dans le secteur agroalimentaire. Des grands investisseurs institutionnels et des actionnaires individuels, menés par ShareAction, ont déposé en février dernier une "résolution sanitaire", en vue de l’Assemblée générale. Elle demandait à Tesco, le plus grand réseau de supermarché outre-Manche, de dévoiler la part que représente la vente des aliments les plus sains dès 2022. L’objectif consiste ensuite à en accroître la part jusqu’en 2030, afin de lutter contre l’obésité qui est une question sanitaire majeure. Avant même le vote des actionnaires, la direction a accepté de se plier à cette demande et s’engage à travailler avec eux.
GE : refus du salaire du Directeur général
57,7 % des actionnaires de General Electric ont voté contre les propositions de rémunération des principaux dirigeants du groupe, en particulier celle du directeur général Larry Culp. Un fait rarissime alors que les rémunérations des dirigeants des grands groupes sont habituellement validées à d’écrasantes majorités. En 2020, Larry Culp a empoché 73,2 millions de dollars au total, principalement sous forme d'actions. Pour l'inciter à rester jusqu’au moins 2024, le conseil d'administration a proposé un paquet d'actions et d'options de plus de 100 millions de dollars, mais la majorité des actionnaires a dit non. Si le vote des actionnaires n’est pas contraignant, le groupe ne pourra passer outre cette "gifle". Le DG de GE n’est pas le seul à se voir refuser sa rémunération, les dirigeants d’IBM et Starbucks ont subi le même sort.
Citigroup et Bank of America, face aux discriminations raciales
La puissance du mouvement Black Lives Matter a mis la question des inégalités raciales au cœur de plusieurs Assemblées générales, en particulier dans le milieu financier. Des résolutions visant à mener des "audits raciaux indépendants" ont été soumises aux assemblées générales de City Group, Goldman Sachs ou encore Bank of America. Aucune n’a été adoptée, elles ont reçu respectivement 37 %, 29 % et 25 % des voix. Ces taux sont toutefois largement suffisants pour faire bouger les lignes. Avant d’y être réellement contraintes, ces entreprises vont devoir analyser leur risque d’exposition aux inégalités raciales.
Ludovic Dupin @LudovicDupin