Dès le 15 avril, une vingtaine de chercheurs en psychiatrie et en psychologie ont alerté sur les conséquences psychologiques de la maladie. Leur alerte, diffusée dans le journal de référence The Lancet, semble aujourd’hui confirmée sur le terrain. Au sortir du pic épidémique, 30% des soignants présentaient ainsi des symptômes de stress post traumatiques, assure une étude de l’Intersyndicale nationale des internes.
De même, un tiers des télétravailleurs déclarent avoir vu leur santé mentale se dégrader pendant la période de confinement. Les enfants et les adolescents ne sont pas épargnés par les risques de troubles mentaux. En Italie et en Espagne, les parents ont remarqué que, durant le confinement, leurs enfants avaient des difficultés à se concentrer, étaient irritables, agités et nerveux, selon une étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Un pic prévu en septembre
Mais c’est l’ensemble de la population qui a été touchée. Selon une enquête de Santé publique France menée depuis mars sur l’évolution de la santé mentale et des comportements de la population, les deux mois de confinement ont clairement pesé sur l’état psychologique des Français avec une forte hausse de la prévalence de l’anxiété, de la dépression, des troubles du sommeil. Depuis le déconfinement, ces troubles ont légèrement baissé mais sans revenir à leur niveau habituel.
Et ce n’est qu’un début avertissent les praticiens. “À partir de septembre, on va voir tous les stress post-traumatiques, les épisodes dépressifs, les burn-out, ceux qui ont perdu un membre de leur famille… Les traumas psychiques vont arriver à la rentrée, c’est clair“, assure au Monde, Dominique Januel, psychiatre à l’hôpital de Ville-Evrard (Seine-Saint-Denis) et pilote d’une étude d’évaluation clinique du confinement. Certains psychiatres s’attendent également à une augmentation des tentatives de suicides, notamment chez les patients psychiatriques pour lesquels l’épidémie et sa gestion ont renforcé les traumatismes.
La pandémie aggrave une situation déjà alarmante
Toutes ces manifestations sont constatées dans l’ensemble des pays du monde durement touchés par la pandémie. Et se renforcent avec la crise économique et sociale. “L’isolement social, la crainte de la contagion et la perte d’êtres chers sont aggravés par l’anxiété due à la perte de revenus et souvent de son emploi. Or l’OIT table sur la perte de plus de 300 millions d’emplois à temps plein dans le monde du fait de la crise”, a souligné le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé lors la publication d’une note de synthèse sur la santé mentale à l’heure du Covid.
Pour l’OMS, les effets sur la santé mentale de cette crise aggravent un état des lieux déjà alarmant. “Après des décennies de négligence et de sous-investissement dans les services de santé mentale, la pandémie de COVID-19 frappe désormais les familles et les communautés avec un stress mental supplémentaire”, explique-t-elle dans sa note. Chaque année, la dépression et l’anxiété, qui touchent près de 265 millions de personnes dans le monde, font ainsi perdre plus de 1 000 milliards de dollars à l’économie mondiale. Or, pour l’heure, les pays consacrent en moyenne 2 % de leur budget de santé à la prise en charge des troubles mentaux.
Santé mentale au travail : une crise encore taboue qui continue d’enfler
Béatrice Héraud, @beatriceheraud