Publié le 12 novembre 2015
ENVIRONNEMENT
Glyphosate : pour l'EFSA, le risque cancérigène du Roundup est "improbable"
Le verdict de l’Autorité européenne de sécurité des aliments est tombé : le glyphosate, la substance active du Roundup, l’herbicide vedette mais controversé du géant américain Monsanto, ne présente pas de risque cancérigène pour l’homme. L’évaluation des scientifiques européens ouvre ainsi la voie au renouvellement de l’autorisation du glyphosate par l’Union européenne. Mais cette évaluation est en totale contradiction avec l’avis rendu en mars dernier par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les ONG environnementales et les écologistes crient au scandale.

Georges Gobet / AFP
Le glyphosate, substance cancérigène ? "Improbable", a répondu jeudi 12 novembre l’Autorité européenne de sécurité des aliments, connue aussi sous ses initiales anglaises EFSA (European Food Safety Agency). L’évaluation des experts scientifiques européens blanchit les herbicides les plus utilisés mondialement, notamment le Roundup, des risques de cancer qui pesaient sur eux.
En mars dernier, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’OMS avait pourtant adopté une position exactement inverse en classant le glyphosate dans sa liste des substances cancérigènes "probables chez l’homme". "Nous avons procédé à une évaluation complète qui a pris en compte de nouvelles études et davantage de données", met en avant le responsable de l’unité pesticides de l’EFSA, Jose Tarazona, pour expliquer la divergence d’analyse avec l’agence de l’OMS.
Un nouveau "seuil de sécurité toxicologique"
L’EFSA propose toutefois de nouvelles mesures pour renforcer le contrôle des résidus de glyphosate dans l’alimentation. Elle suggère d’introduire, pour la première fois, un "seuil de sécurité toxicologique", nommé "dose aiguë de référence", qui est la quantité qui peut être ingérée sur une brève période de temps sans être nocive pour la santé : elle a été fixée à 0,5 mg/kg de poids corporel par jour.
"L'EFSA se basera sur ces nouvelles valeurs toxicologiques lorsqu'elle réexaminera les limites maximales de résidus dans les aliments pour le glyphosate", précise l'Autorité. Une révision attendue pour 2016 en coopération avec les États membres.
"Trop d’intérêts en jeu"
Le sort du glyphosate est maintenant dans les mains de l’Union européenne qui doit prendre sa décision d’ici juin. S’appuyant sur l’avis de l’EFSA, la Commission européenne va rédiger une recommandation aux Etats membres, probablement dès le mois de janvier. Le processus relève ensuite de la "comitologie".
Concrètement, tout se passe à huis-clos entre la Commission européenne et les experts nationaux des États membres, ces derniers décidant de la réglementation à appliquer à la majorité qualifiée. Tout laisse à penser que les États donneront leur feu vert au renouvellement de l’autorisation du glyphosate, octroyée sans discontinuité depuis 2002.
Au sein de l’EFSA, où sont représentés des scientifiques de chaque État membre, seule la Suède s’est opposée à l’avis adopté hier. "Ce n’est pas scientifique, c’est politique", s’indigne la responsable des questions d’alimentation de Greenpeace Franziska Achterberg. "Il y a trop d’intérêts en jeu, trop de pressions qui viennent de tous les côtés : les agriculteurs, l’industrie des pesticides, les Américains… C’est un énorme marché qui est concerné", ajoute-t-elle. "Après son incapacité à protéger la santé des Européens des émissions polluantes automobiles, la Commission ne devrait pas répéter la même erreur avec les pesticides", met en garde Franziska Achterberg.
De son côté l’eurodéputée verte Michèle Rivasi épingle le travail de l’EFSA qui repose sur des études encore non publiées dans la littérature scientifique et non revues par les pairs. Et de déplorer que "l’EFSA a décidé de cajoler Monsanto au mépris de la santé de nos concitoyens".
En France, 2 000 tonnes de glyphosate sont utilisées chaque année par les particuliers. Et 8 500 tonnes par les agriculteurs et autres professionnels.