Publié le 22 juin 2020
ENVIRONNEMENT
Risque de contamination, frein réglementaire... La difficile création d'une filière de recyclage des masques jetables
Avec la pandémie, l'utilisation des masques jetables en France a explosé, atteignant 24 millions par semaine. Or ces derniers ne se recyclent pas et mettent 450 ans à se dégrader. Plusieurs pistes prometteuses ont été émises par un consortium de scientifiques, médecins, industriels. Mais la réglementation française empêche aujourd'hui le recyclage des déchets médicaux. Seule une entreprise, Cosmolys, a reçu une dérogation de l'État pour expérimenter cette voie.

CC0
C’est un véritable casse-tête. Alors que l’utilisation des masques chirurgicaux est devenue la norme dans les transports en public, la majorité des commerces et des entreprises, leur impact environnemental est pointé du doigt. Les associations estiment qu’un masque chirurgical met 400 à 450 ans à se dégrader. Et pour l’instant, il n’existe pas de filière de recyclage dans l’Hexagone.
"En France, pour des raisons sanitaires la réglementation prévoit la désinfection, puis l’incinération ou le stockage des déchets potentiellement dangereux", explique le ministère de la Transition écologique. Face à ce constat, début mai, 27 députés LREM ont envoyé une lettre à la secrétaire d’État Brune Poirson lui demandant d’organiser une filière de récupération et de recyclage des masques "dans les meilleurs délais". Il s'agit d’assurer "un réemploi des masques qui permettrait d’éviter un énorme gâchis de matières".
Des pistes prometteuses
Face à l’ampleur de la tâche, depuis début mars, un consortium de scientifiques, médecins et industriels du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et de plusieurs hôpitaux planche sur la question. "Dans l’hypothèse (…) où les masques chirurgicaux viendraient à manquer en milieu hospitalier, nous nous sommes demandé s’il serait possible d’imaginer un protocole permettant de les recycler. Précisément d’en éliminer la charge virale après une première utilisation tout en garantissant le maintien de leur niveau de performance", explique dans le journal du CNRS Philippe Cinquin, professeur en santé publique.
Et plusieurs pistes ont déjà été avancées. Selon les résultats préliminaires il a été montré qu’après un lavage à sec à plus de 100°C, les masques perdent seulement 2 % de leur efficacité de filtration. "La norme européenne, très protectrice, exige d'arrêter 98 % de particules d’une certaine taille", explique dans le Figaro Laurence Le Coq, enseignante-chercheuse et directrice de recherche à IMT Atlantique. Deux autres pistes présentent de bons résultats, celle proposant une stérilisation en autoclave, qui permet de produire de la chaleur humide sous pression et une autre présentant des irradiations aux rayons gamma ou beta.
Une entreprise à l'avant-garde en France
Pour l’instant, en milieu hospitalier, les déchets d’activités de soin à risques infectieux (DASRI) sont collectés, traités et incinérés par des sociétés spécialisées. Seule l’entreprise française Cosmolys a reçu une dérogation pour expérimenter le recyclage des masques, blouses, seringues. "Nous sommes les seuls au monde pouvoir recycler des déchets à risques infectieux", explique Arnaud Mary, directeur commercial de l’usine d’Avelin près de Lille qui récupère 8 000 tonnes de déchets par an dans les hôpitaux, cliniques, laboratoires médiaux, Edhpad et même chez des patients.
"Aujourd’hui on a une entreprise vraiment pionnière avec des salariés passionnés qui montre que c’est possible. C’est possible de recycler dans le respect parfait des normes sanitaires, des déchets de soin, c’est-à-dire des déchets médicaux", avance Brune Poirson. L’enjeu est désormais de "confirmer l’expérimentation, aller jusqu’au bout des résultats et ensuite créer et encourager le développement de débouchés pour cette matière recyclée", résume la secrétaire d’État.
Marina Fabre, @fabre_marina