Publié le 30 mars 2023
ENVIRONNEMENT
Ecowatt de l’eau, sobriété, eaux usées… le plan de bataille d’Emmanuel Macron en pleine guerre de l’eau
Alors que les affrontements à Sainte-Soline contre les mégabassines marquent un tournant dans la guerre de l'eau, Emmanuel Macron a dévoilé ce 30 mars son très attendu plan eau, ressource menacée par le changement climatique. 53 mesures ont été annoncées, parmi lesquelles un Ecowatt de l'eau, l'obligation de plan de sobriété par secteur ou encore l'objectif de 10% d'eau réutilisées en 2030.

SEBASTIEN NOGIER / POOL / AFP
Le lieu est pour le moins symbolique. C’est aux bords du lac de Serre-Ponçon dans les Hautes-Alpes qu’Emmanuel Macron a choisi de présenter son très attendu plan eau. Pieds au sec devant une étendue caillouteuse, le tableau est pour le moins clair : la plus grande réserve d’eau douce d’Europe de l’Ouest n’échappe pas à la sécheresse historique que subit la France. C’est devant ce paysage aride que le Président de la République a dévoilé les 53 mesures de son plan.
À court terme, le gouvernement va ainsi lancer un "Ecowatt de l’eau" "pour que chaque Français, chaque agriculteur, chaque maire, chaque chef d’entreprise puisse connaître les gestes adaptés de manière très transparente et l’évolution de la situation" de l’eau, a précisé le chef de l’État. Ce dispositif est calqué sur l’Ecowatt de l’électricité. Un outil disponible gratuitement sur internet qui permet de savoir s’il y a des tensions sur le réseau et propose aux Français de recevoir une alerte en cas de risque élevé afin d’éviter les coupures en adoptant des écogestes simples, comme lancer son lave-linge à 22 heures plutôt qu’à 19 heures.
Sobriété, nucléaire, tarification progressive
D’ici l’été, le Président va également demander à chaque secteur un plan de sobriété sur l’eau. Novethic avait récemment montré combien les industriels par exemple avaient mal anticipé les sécheresses et le manque d’eau pour leurs activités. L’objectif est de réaliser 10% d’économie d’eau dans tous les secteurs d’ici 2030. Autre sujet majeur : la réutilisation des eaux usées. La France fait figure de mauvais élève en Europe avec seulement 1% de ses eaux usées qui sont réutilisées. L’objectif est d’atteindre 10% d’ici 7 ans. "Nous avons décidé de lancer 1000 projets en cinq ans pour recycler et réutiliser l'eau" et "in fine, nous voulons réutiliser 300 millions de mètres cubes, soit 3 piscines olympiques par commune (...) ou 3 500 bouteilles d'eau par Français et par an", a déclaré le président.
Emmanuel Macron a annoncé vouloir généraliser la "tarification progressive" de l'eau, expérimentée dans certains territoires depuis 2017. Au-delà d'un certain volume de base, le tarif augmentera pour dissuader les usages excessifs. "Ça ne veut pas dire que le prix de l'eau va augmenter, il est d'ailleurs aujourd'hui dans la moyenne quand on regarde le prix de l'eau en France", a-t-il précisé. Côté énergie, le chef de l’État a dit vouloir adapter les centrales nucléaires au changement climatique. Comment ? En leur permettant de fonctionner en circuit fermé. De quoi rendre sceptique l’ingénieur Thibault Laconde. "Aucune centrale au monde n’a changé de système en cours d’exploitation. Cela sera probablement trop coûteux sur les centrales en fin de vie. Quant aux nouvelles, le circuit fermé est déjà le système par défaut", explique-t-il à Novethic.
Les mégabassines conditionnées
Reste le sujet épineux du moment, les stockages artificiels d’eau pour les agriculteurs. Alors que les contestations contre les mégabassines de Sainte-Soline ont tourné à l’affrontement entre manifestants et force de l’ordre provoquant des blessés graves dont deux militants dans le coma, le Président a défendu l’utilité de ces ouvrages. Ces retenues ou bassines pompent durant l'hiver l'eau des nappes phréatiques afin que les agriculteurs puissent arroser leurs cultures l'été. Problème : l’unique rapport scientifique disponible sur la question, publié par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) n’a pas intégré dans sa modélisation les effets du changement climatique.
Emmanuel Macron a ainsi proposé que les prochaines retenues prennent mieux en compte la raréfaction de l'eau liée au changement climatique, et qu'elles soient conditionnées à des "changements de pratiques significatifs", à commencer par des économies d'eau et une réduction de l'usage des pesticides par les agriculteurs. "Il ne s'agit pas de privatiser l'eau. Ou de permettre à certains de se l'accaparer", a-t-il déclaré, en répétant que l'eau était "indispensable à notre souveraineté alimentaire". Pas de quoi convaincre les opposants aux mégabassines. Quant à l'association Générations futures, elle s'interroge : "Où sont les mesures sur la pollution ?". Les dernières révélations sur les polluants éternels dits PFAS n'ont en effet pas été mentionnées.
Marina Fabre Soundron avec AFP