Publié le 5 mars 2024

Une dure réalité. L’eau est la ressource la plus précieuse et la plus exploitée au monde. Elle se retrouve aujourd’hui au cœur d’une des crises les plus importantes au monde. En France aussi, cette ressource est devenue un sujet de crispation, notamment entre les agriculteurs qui souhaitent la mise en place de réserves d’eau pour leurs exploitations et les associations environnementales. C’est dans ce contexte que WWF a calculé la valeur économique mondiale que représentent les usages de l’eau douce. Une somme qui a de quoi faire réfléchir.

C’est l’un des sujets de crispation entre les exploitants agricoles et les associations environnementales : l’eau, et plus précisément les retenues d’eau. Sans surprise, Agnès Pannier-Runacher est revenue sur le sujet pendant le Salon de l’agriculture qui vient de fermer ses portes. Tout en réfutant le terme de “bassines”, la ministre déléguée à l’Agriculture et à la Souveraineté alimentaire a assuré que le gouvernement comptait  “faciliter les procédures pour faire des ouvrages de stockage d’eau” dans sa nouvelle loi agricole.

Des propos qui ont du mal à être acceptés du côté des associations environnementales qui continuent de manifester ces dernier mois, notamment dans l’ouest de la France, contre ces projets qui pompent dans les cours d’eau ou les nappes phréatiques. Et c’est dans ce contexte que l’ONG WWF a calculé la valeur économique annuelle de l’eau et des écosystèmes d’eau douce dans le monde l’évaluant à 58 000 milliards de dollars. Ce chiffre représente l’équivalent de 60% du PIB mondial en 2021, lit-on dans son rapport “Le coût de l’eau bon marché”, publié en octobre dernier.

Pour établir ce montant, l’ONG s’est appuyée sur les avantages directs pour les ménages, l’agriculture et les industries de l’utilisation de l’eau, chiffrés à “un minimum de 7 500 milliards de dollars par an”, ainsi que sur les bénéfices indirects de l’eau douce, “constamment sous-estimés”, selon WWF. “Ces bénéfices, qui vont de la conservation de la biodiversité à la protection contre les sécheresses et les inondations, représentent pourtant une valeur sept fois supérieure, soit 50 000 milliards de dollars par an”, indique l’ONG.

Un “aveuglement” au “coût immense”

Or, les gouvernements et les entreprises se sont en toutes circonstances “concentrés” sur les usages directs, fixant toujours un prix de l’eau “trop bas, sans que la valeur ou la santé des écosystèmes d’eau douce ne soit prise en compte”, alerte le WWF. Parmi les menaces qui pèsent sur la santé des écosystèmes d’eau douce, l’ONG pointe notamment les prélèvements non responsables des eaux de surface et souterraines, les altérations par l’homme du flux des cours d’eau, la pollution de l’eau due au ruissellement agricole, les effluents industriels et les eaux usées, ainsi que l’impact du réchauffement climatique sur le régime des précipitations et la fonte des glaces.

“Cet aveuglement, causé par un manque de prise de conscience ou de compréhension de l’importance des ressources en eau, a un coût immense”, alerte l’ONG qui précise que les deux tiers des cours d’eau du monde ne coulent plus librement et qu’un tiers des zones humides a disparu depuis 1970. Par conséquent, la moitié de la population n’a toujours pas accès à l’eau potable ni au système d’assainissement de base. Et cela a bien évidemment un impact sur les activités économiques : d’ici à 2050, environ 46% du PIB mondial pourrait provenir de zones exposées à un risque élevé lié à l’eau, contre 10% aujourd’hui.

Pour un passage à l’acte

Ce chiffre de 58 000 milliards de dollars a surtout pour objectif de provoquer la prise de conscience auprès des responsables politiques, entreprises, institutions financières de la nécessité de protéger et de restaurer les cours d’eau, les lacs, les zones humides et aquifères. “Car négliger les multiples valeurs de ces écosystèmes fait le lit de la crise mondiale de l’eau”, déplore la directrice générale du WWF Kirsten Schuijt.

Les gouvernements sont appelés par le WWF à “s’engager à revitaliser 30% des zones humides et des cours d’eau dégradés dans le monde d’ici à 2030”, à garder intact les écosystèmes d’eau douce, à fixer “des limites de prélèvements responsables” mais aussi à “mettre fin aux subventions néfastes”. Tout comme les institutions financières, invitées à agir en évitant d’investir dans des “infrastructures nuisibles” et donc à se désengager des projets à fort impact.

En plein Salon de l’Agriculture, il faut avoir en tête que 70% de l’eau douce consommée dans le monde est utilisée pour l’agriculture, en grande partie du fait de l’élevage intensif. Le WWF appelle donc une nouvelle fois à la transformation des systèmes alimentaires, notamment en végétalisant notre assiette ou en se tournant vers l’agroécologie. Or, “le véritable enjeu est de construire un modèle moins prédateur en eau, à commencer… par l’agriculture“, plaide le directeur du plaidoyer du WWF France Jean Burkard.

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