Publié le 26 novembre 2021
ENVIRONNEMENT
Stocamine : l’enfouissement définitif des déchets dangereux voté "en catimini" par les députés
Cette annonce sonne comme un clap de fin. Les députés ont voté pour un amendement qui permet le stockage des déchets de stocamine pour une durée illimitée. Une annonce qui a déclenché l'ire d'associations environnementales et d'élus alsaciens, qui accusent le gouvernement d'avoir fait voter la mention en catimini.

@Stocamine
Le dossier Stocamine serait-il définitivement enterré après deux décennies de tergiversations ? Les députés ont voté en faveur d’un amendement dans le cadre de la loi de finances pour 2022 qui autorise l’enfouissement des déchets toxiques dans les anciennes mines de potasse à Wittelsheim, en Alsace, "pour une durée illimitée". Une façon pour l’État d’assurer le stockage des 42 000 tonnes de déchets dangereux à 500 mètres sous terre, dont de l’arsenic, de l’amiante et du cyanure.
Une décision qui devance celle attendue du Conseil d’État, saisi en octobre par le gouvernement suite à l’annulation par la cour administrative d’appel de Nancy de l’arrêté préfectoral de 2017 autorisant l’enfouissement. La juridiction a estimé que la société des Mines de potasse d’Alsace, chargée du confinement des déchets et en liquidation depuis 2009, n’est pas en capacité technique et financière de réaliser ces travaux. Pour répondre à cette crainte, l’amendement voté accorde une "garantie de l'État" à la société jusqu’en 2030 et "dans la limite d'un montant de 160 millions d'euros".
Une précipitation assumée par le gouvernement. "Plus on attend, plus c’est dangereux pour les gens qui vont aller au fond pour gérer tous les travaux de confinement", a déclaré la ministre de la Transition écologique Barbara Pomplili, au cours d’un déplacement à Strasbourg le 21 novembre. Alors que l'exploitation du site a pris fin en 2002 après un incendie, les galeries de l'ancienne mine se referment lentement sur elles-mêmes, rendant les opérations au fond plus compliquées au fur et à mesure des années. "Il faut qu’on fasse un confinement qui soit adapté : si tout se passe comme prévu, les risques d’atteinte à la nappe phréatique sont quasiment insignifiants", a-t-elle défendu.
Indignation
Mais cette décision a provoqué la colère des opposants au projet, des associations jusqu'aux élus. Frédéric Bierry, président de la Collectivité européenne d’Alsace accuse dans un communiqué l’État d’avoir fait voter "en catimini" l’amendement . "L’assemblée nationale [l]’a adopté sans débats et sans examen préalable en commission", déclare-t-il. Il estime par ailleurs que la garantie financière limitée à 2030 est insuffisante. "Le stockage restera une bombe à retardement pendant des centaines d’années" déplore-t-il.
"Il y avait 4 000 amendements en tout dans ce projet de loi de finances 2022, comment voulez-vous qu'on l'ait vu ?", s'est indigné auprès de France 3 Grand Est, Philippe Aullen, du collectif Destocamine qui lutte contre le projet.
Contester la disposition est a priori compliqué. "On est devant quelque chose d’inédit, explique François Zind, avocat de l’association Alsace nature, interrogé par Le Monde. Ce n’est pas tous les jours qu’une loi est adoptée en réponse à une décision de justice. Mais comme l’amendement intègre une dimension budgétaire, il peut difficilement être contesté". Le dossier pourrait s’immiscer au cœur de la présidentielle. La candidate socialiste Anne Hidalgo, de passage sur le site de Stocamine le 22 novembre, a promis de "revenir" sur la décision du gouvernement si elle est élue.
Pauline Fricot, @PaulineFricot avec AFP