Publié le 22 octobre 2015
ENVIRONNEMENT
Justin Trudeau : le renouveau environnemental du Canada ?
Au pouvoir pendant neuf ans, les conservateurs ont fait du Canada un cancre en matière d’écologie et de lutte contre le réchauffement climatique. Le nouveau Premier ministre libéral Justin Trudeau, fraîchement élu, pourrait changer la donne. À quelques semaines de la COP21, son élection est un soulagement pour les écologistes, mais il reste très attendu sur le sujet.

David Kawai / NurPhoto / AFP
"Un virage est amorcé par rapport à l’ancien gouvernement", assure Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie de Greenpeace Canada, quand on l’interroge sur l’impact de l’élection de Justin Trudeau, le nouveau Premier ministre canadien. "Il a affirmé sa volonté de mettre fin à une triste époque dans la lutte contre le changement climatique, son ambition de réduire les gaz à effet de serre. Il respecte l’avis des scientifiques, c’est une vraie amélioration", souligne-t-il, soulagé.
Une ouverture environnementale…
Si Justin Trudeau n’est pas tout vert, il promet tout de même de rattraper le retard accumulé durant les années Harper. Dès son premier discours, il affirme que "le gouvernement du Canada est de retour pour respecter ses engagements et ses responsabilités à l'échelle internationale". Du côté des ONG environnementales, on espère que cela inclut la question climatique, où le Canada n’a pas particulièrement fait figure de bon élève sous la mandature précédente.
Au niveau national, en tout cas, le nouveau Premier ministre entend investir 1,2 milliard de dollars dans les énergies vertes, rendre les 40 millions que le gouvernement Harper avait retirés aux programmes de recherche océanographique, ainsi que débloquer 20 milliards pour favoriser les transports collectifs.
"Des propositions incontournables", pour Patrick Bonin. "Une entrée en matière qui signerait la fin de l’ère Harper, mais il faut prendre un virage plus important. Envoyer un signal clair !" Parmi ses promesses, son souhait de revoir le processus d’évaluation environnementale affaibli par Stephen Harper. "Il s'est engagé à réformer l’Office national de l’énergie, anti-démocratique et favorable à l’industrie. Il faut pouvoir évaluer correctement l’impact des projets, en prenant en compte les gaz à effet de serre".
La tâche s’avère ardue, tant le pays a fait marche arrière sur sa politique environnementale au cours de la dernière décennie. Désengagement du protocole de Kyoto en 2011, développement de l’exploitation des sables bitumineux, et une piètre ambition de contribution à l’effort climatique (30 % de réduction par rapport aux niveaux de 2005 d’ici à 2030) pour la COP21. Dire que l’ancien Premier ministre conservateur était frileux relève du pléonasme. Son successeur va-t-il se montrer plus ambitieux lors de son premier grand sommet ? "Justin Trudeau ne peut pas arriver à Paris les mains vides. Le gouvernement doit se décider avant le sommet, incarner une cible plus ambitieuse pour 2025, et s’engager à aider les pays en développement à hauteur de 4 milliards de dollars par année d’ici 2020", estime Patrick Bonin.
… mais un soutien intact aux énergies fossiles
Pourtant, le parti libéral est le seul à ne pas avoir donné de garanties durant la campagne. Il a seulement annoncé son souhait de réunir, dans les 90 jours qui suivront la Conférence de Paris, "les chefs des provinces et des territoires pour établir un cadre pancanadien de lutte contre le changement climatique". Une décision qui serait prise en commun pour "respecter l’obligation universelle de protéger la planète, tout en stimulant l’économie". Et c’est là que le bât blesse… "Justin Trudeau est favorable à l’exploitation des énergies canadiennes, dont les sables bitumineux. Il y a une incompatibilité entre sa volonté d’exporter le pétrole le plus sale du monde et son désir de lutter contre le changement climatique", pointe le responsable de Greenpeace Canada.
Pire, si les libéraux promettent de faire mieux que les conservateurs dans la lutte contre les changements climatiques, ils prennent les mêmes engagements en faveur du développement de certains projets de pipelines de sables bitumineux. Vis-à-vis du projet Énergie Est, auquel il est favorable, le Premier ministre veut "un équilibre entre les emplois et l'environnement. Le développement de l'économie ne pouvant se faire au détriment des prochaines générations". Il s’oppose au projet Norther Gateway en Colombie-Britannique, mais il appuie le projet Keystone XL, devant desservir les États-Unis depuis l’Alberta. Or, si le Canada veut atteindre ses objectifs, "il doit écouter les scientifiques qui demandent un moratoire sur les projets d’oléoducs. 85 % des sables bitumineux doivent rester sous terre", affirme Patrick Bonin.
Refusant de choisir entre l’économie et l’environnement, le Premier ministre canadien devra faire ses preuves. "Paris sera un vrai test" reprend-il. "Justin Trudeau doit démontrer sa conviction. Être débout face à ceux qui vont essayer d’exploiter jusqu’à la dernière goutte de pétrole. Il doit faire ce que la population demande et non satisfaire les industries pétrolières".