Publié le 21 juin 2017
ENVIRONNEMENT
BP, Exxon, Shell et Total jugent la taxe carbone favorable à leur business
BP, ExxonMobil, Royal Dutch Shell et Total ont rejoint plusieurs groupes environnementaux pour soutenir une taxe carbone. Ce projet est porté par le Climate Leadership Council créé en mai dernier pour travailler sur une taxation des émissions de CO2 et une redistribution de ces sommes aux contribuables américains.

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SOMMAIRE
- Dossier : Energies fossiles, l’impasse du statu quo
- BP, Exxon, Shell et Total jugent la taxe carbone favorable à leur business
- Climat : pourquoi les géants pétroliers soutiennent l'Accord de Paris
- Total mise sur les renouvelables… pour mieux vendre son gaz
- Toujours en perte de vitesse, les énergéticiens européens obligés de revoir leur business model
- Chute des cours du brut : le modèle économique du secteur pétrolier menacé
- La chute de Peabody, symbole de la faillite du charbon américain
“Pro-environnement, pro-croissance, pro-emploi, pro-compétitivité, pro-business et pro-sécurité”. C’est ainsi qu’est présenté le projet de taxe carbone aux États-Unis porté par le Climate Leadership Council, une coalition d’ONG (Nature Conservancy, Conservation International..), de personnalités (l’ancien maire de New York Michael Bloomberg, le physicien Stephen Hawking...) et de grandes entreprises (General Motors, Unilever, Pepsi…). Désormais quatre majors pétrolières rejoignent le mouvement : BP, ExxonMobil, Shell et Total.
Cette coalition marque un virage fort pour ces entreprises, à l'exemple d'ExxonMobil plus connue pour ses positions climato-sceptiques. Le pétrolier s'est cependant récemment positionnée en faveur de l'Accord de Paris et a vu ses actionnaires lui imposer de mesurer le risque climat. En réalité, en plus de s'engager dans la lutte contre le changement climatique, ces entreprises spécialistes des énergies fossiles y voient un intérêt pour leurs affaires.
En effet, les pétroliers considèrent que la mise en place d'une taxe carbone serait favorable pour le développement du gaz, dont la compétitivité serait accrue par rapport au charbon et au pétrole. Or ces entreprises, qui investissent dans les énergies renouvelables, considèrent que le gaz, deux fois moins émetteur de CO2 que le charbon, sera une "énergie de transition" vers un monde bas carbone. Preuve en est : aujourd'hui un pétrolier comme Total produit plus de gaz que de pétrole. Reste à savoir si cette taxe prendra en compte les fuites de méthane observées dans les exploitations de gaz de schiste outre-Atlantique.
Un dividende carbone pour les citoyens
L'entrée des pétroliers dans le Climate Leadership Council a été annoncée dans une publicité publiée mardi 20 juin dans le Washington Post. La coalition, née en février dernier, y détaille son plan. Concrètement, les entreprises fortement émettrices comme les industries pétrolières et extractives seraient taxées sur le CO2 qu’elles émettraient sur le sol américain. Le prix de la tonne s’établirait la première année à 40 dollars et augmenterait par la suite.
Pour ne pas fausser la concurrence, "des ajustements carbone aux frontières seraient mis en place": un crédit d’impôt serait accordé aux entreprises à l’importation et une taxe serait instaurée à l’exportation en fonction du contenu carbone des produits et de la différence de taxation entre le pays d’origine et celui de destination. En contrepartie, des réglementations environnementales pourraient être levées ou assouplies.
L'original est que le produit de la taxe (le dividende carbone) serait reversé mensuellement aux Américains, quel que soit leur niveau de revenus. Selon le Climate Leadership Council, cela pourrait rapporter à une famille de quatre personnes près de 2 000 dollars la première année. Il s’agit plus ou moins du même système que la contribution climat énergie que souhaitait instaurer Nicolas Hulot dans son Pacte écologique en 2007 mais qui avait été bloquée par le conseil constitutionnel en 2009.
Une taxe qui reste à l’état de projet
Selon les calculs du Climate Leadership Council, ce projet permettrait d'atteindre les objectifs climatiques promis par l'administration Obama; à savoir -26 à -28 % d'émissions de CO2 en 2025, deux fois plus vite. Toutefois, si le projet a le mérite de faire parler de la taxe carbone, quelques semaines seulement après le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, sa faisabilité est loin d’être assurée.
D'une part, en raison de sa complexité d’une autre part par manque de soutien politique. Presqu’aucun des Républicains du gouvernement actuel, même ceux reconnaissant le changement climatique, n’est favorable à une telle taxe. Et le Climate Leadership Council doit aussi faire face aux puissants lobbies de groupes comme l’American for Tax Reform et le Competitive Enterprise Institute.
Mais la coalition voit plus loin. Parmi les nouveaux membres qui ont rejoint l’initiative, on compte plusieurs entreprises internationales comme les françaises Total ou Schneider Electric. De quoi faire des émules dans d’autres pays !
Béatrice Héraud @beatriceheraud