Publié le 13 octobre 2018
ENVIRONNEMENT
[Science] Les solutions climatiques fondées sur les océans sont pour la plupart risquées ou peu efficaces
Une étude inédite, publiée le 4 octobre par une vingtaine d’experts, a sondé les solutions que peut offrir l’océan pour lutter contre le changement climatique. Alcalinisation de l’eau, énergies marines, contrôle de la radiation solaire ou encore manipulation des organismes… La méthode miracle n'existe pas sans une réduction drastique des émissions et une décarbonation de l’énergie, alertent les scientifiques.

@NOAA
En amont de la publication du rapport du Giec sur un monde à 1,5°C, un collectif de 17 experts, dont certains issus de l’Iddri, ont publié une étude inédite sur les solutions climatiques basées sur l’océan dans la revue Frontiers in Marine Science le 4 octobre (1). "Jusqu’ici, l’océan a toujours été aux abonnés absents des conférences climat de l’ONU, et quand il est évoqué c’est toujours sous l’angle de la victime. Mais l’océan peut aussi être acteur du changement climatique", explique l’océanographe Jean-Pierre Gattuso.
Les scientifiques ont épluché un millier de références et identifié 13 solutions que l’océan peut offrir pour lutter contre le changement climatique. Protection des aires marines protégées, alcalinisation de l’eau (pour réduire l’acidité), lutte contre la pollution, énergies marines, contrôle de la radiation solaire ou encore manipulation des organismes... Leurs effets sont plus ou moins importants. Certaines méthodes présentent même de réels risques.
Énergies marines
"Certaines mesures locales peuvent apporter beaucoup de bénéfices, mais ne permettent pas de répondre au défi globalement. D’autres mesures plus importantes sont beaucoup trop incertaines et entraîneraient des effets néfastes", résume Jean-Pierre Gattuso. Parmi ces dernières mesures à éviter, il y a par exemple le contrôle des radiations solaires en couvrant l’océan d’une mousse afin de réduire la température de l’eau.
"Cette solution ne règle pas la question de l’acidification de l'océan et présente des effets négatifs puissants pour les organismes vivants, précise le scientifique. Même si ça fonctionnait, ça résoudrait les symptômes mais pas les causes du changement climatique, ce n’est donc pas pertinent." Selon le rapport, l’alcalinisation, la fertilisation de l’eau (pour stimuler la photosynthèse et stocker du CO2) ou encore la sélection d’espèces les plus résistantes ne seraient pas plus efficaces.
Parmi les solutions plébiscitées, on trouve en revanche le développement des énergies marines et la restauration et la conservation de la végétation et notamment des mangroves, ainsi que, à une échelle plus locale, la lutte contre la surpêche et la pollution, la protection des aires marines protégées et la restauration de l’hydrologie.
Pas de solution miracle
"L’idée serait de combiner à la fois des solutions locales et globales. Nous espérons ainsi poser le débat sur la table des décideurs, conclut Jean-Pierre Gattuso. Mais notre message est clair : il n’y a de toute façon pas de solution miracle sans passer par une réduction drastique des émissions et une décarbonation de l’énergie."
"Ce rapport, celui du Giec (publié le 8 octobre) et ceux qui sont attendus en 2019 sont des pièces majeures du puzzle, estime Lola Vallejo, directrice du programme climat de l’Iddri. Nous sommes à un tournant, à un moment d’opérationnalisation pour mettre en place l’Accord de Paris. C’est un premier test que les États ne peuvent pas rater."
Concepcion Alvarez, @conce1
(1) Voir le rapport ici.