Publié le 02 août 2017

ENVIRONNEMENT

[RETOUR SUR L’ACTU] Changement climatique, menace terroriste et sécurité, quel lien ?

Novethic vous propose de revenir sur les actualités majeures qui ont rythmé la première moitié de l’année 2017. Aujourd’hui, retour sur cette déclaration d’Emmanuel Macron qui a fait tant de bruit. Lors du dernier G20, début juillet, le Président de la République a estimé que le combat contre le terrorisme et la lutte contre le changement climatique étaient liés, provoquant alors une salve de réactions sur les réseaux sociaux. Pourtant les spécialistes sont formels, les deux sujets sont de plus en plus corrélés.


Pixabay

Signe que le sujet prend de plus en plus d’ampleur, la France a lancé en janvier dernier un Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense. Hébergé au sein de l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), il est financé par le ministère de la Défense pour une durée de quatre ans.

L’objectif de cet observatoire est d’élaborer, pour chaque région du monde, une typologie des crises susceptibles d’émerger en fonction des différents scénarios de réchauffement climatique. Le premier rapport (1) de cet observatoire, paru en février, a d’ores et déjà permis de dresser un état des lieux.

Le climat exacerbe la menace terroriste

D’autres rapports sont parus dans la foulée. En avril, le think tank allemand Adelphi, avec le soutien du ministère des Affaires étrangères allemand, a ainsi publié une étude (2) qui a eu plus de visibilité. Elle montre comment le réchauffement climatique agit comme un "multiplicateur de menaces" et "converge avec d’autres risques (pénurie de ressources, croissance démographique…)" pour accroître l’éclatement d’une crise, voire d’un conflit armé.

"Le changement climatique ne crée pas de terroristes, mais il aide à instaurer un environnement dans lequel les terroristes peuvent opérer plus librement", notent les auteurs de l’étude. "Il augmente la pression sur des gouvernements fragilisés permettant aux groupes terroristes de prospérer et détruit les moyens de subsistance rendant les personnes plus vulnérables au recrutement", précisent-ils. 

L’exemple du lac Tchad

Dans la région du lac Tchad par exemple, de sévères sécheresses ont provoqué un rétrécissement du lac - il est passé de 25 000 km² avant 1973 à 2 000 km² aujourd’hui - privant les populations locales d’une ressource essentielle. Ajouté à la surexploitation des sols et à la croissance démographique, ce phénomène a plongé les populations dans une extrême pauvreté, facilitant ainsi le contrôle de la région et le recrutement par le groupe terroriste Boko Haram.

"Les groupes terroristes utilisent de plus en plus les ressources naturelles comme une arme de guerre, en contrôlant leur accès et en exacerbant leurs pénuries. Plus les ressources sont rares, plus le pouvoir est donné à ceux qui les contrôlent", expliquent les auteurs. Le 31 mars dernier, le Conseil de sécurité de l'ONU a d'ailleurs adopté une résolution sur la région du lac Tchad reconnaissant le rôle du changement climatique sur l’instabilité de la région et la nécessité d'évaluer de façon adéquate la gestion de ces risques.

La déclaration de Macron

Début juillet, lors du G20 de Hambourg, le président de la République a repris à son compte le lien entre lutte contre le réchauffement climatique et terrorisme essuyant de nombreuses critiques. "Aujourd'hui, le terrorisme, les grands déséquilibres dans notre monde, ce que nous sommes en train de vivre est lié au déséquilibre climatique que notre mode productif international a généré. Tout est lié et si on veut traiter des questions de l'Afrique, du développement, de l'industrie et du climat de manière séparée, je pense que ça n'a aucun sens", a déclaré Emmanuel Macron.

François Gemenne, professeur spécialiste des mouvements migratoires liés aux changements climatiques à Sciences Po Paris, interviewé par Novethic, confirme. "L’environnement fait partie intégrante des problèmes politiques, sociaux et économiques à travers des enjeux de migrations et de sécurité avec un risque de déstabilisation d’États déjà fragilisés." Il alerte notamment sur le déplacement de millions de personnes dans le monde en raison des conditions climatiques.

"Le changement climatique est un facteur parmi d’autres à prendre en compte, il ne faut ni le négliger, ni le surestimer", relativise Alice Baillat, de l’Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense. "Pour l’heure, ce sont les décisions politiques qui restent déterminantes dans le déclenchement de certaines crises. Il faut donc faire attention à l’instrumentalisation qui peut être faite du facteur climatique par certains gouvernements." Avec en tête le cas syrien.  

Concepcion Alvarez @conce1

(1) Rapport de l'Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

(2) Rapport Adelphi 


© 2023 Novethic - Tous droits réservés

‹‹ Retour à la liste des articles

ENVIRONNEMENT

Climat

Les alertes sur le changement climatique lancées par les scientifiques conduisent à l’organisation de sommets internationaux, à la mise en place de marché carbone en Europe mais aussi en Chine. En attendant les humains comme les entreprises doivent déjà s’adapter aux changements de climat dans de nombreuses parties du monde.

CO2 Photo de Markus Spiske sur Unsplash

Niveau record d’émissions de CO2 dans le monde : les trois graphiques à retenir

Alors que la première semaine de la COP28 s’achève à Dubaï, la nouvelle édition du Global Carbon Project, publiée ce mardi 5 décembre, rappelle que les émissions de CO2 ne cessent d’augmenter, jusqu’à atteindre un niveau record en 2023. En cause, la Chine et l’Inde, dont la consommation de charbon...

Baril petrole bourse risque prim91 1

COP28 et sport : les pays du Golf, les rois du soft power

Entre la COP28 organisée aux Emirats arabes Unis ou la main-mise du Qatar et de l’Arabie Saoudite sur les grands évènements sportifs, le soft power des pays du Golfe s’étend, au détriment de la lutte contre le dérèglement climatique.

Energies fossiles COP28 KARIM SAHIB AFP

Neutralité carbone, agriculture, énergies renouvelables... : les principales coalitions lancées à la COP28

Les cinq premières journées à la COP28 ont été intenses avec le lancement de nombreuses coalitions sur la neutralité carbone, l'agriculture, les énergies renouvelables ou encore le charbon. En pleine polémique sur les données scientifiques et la sortie des énergies fossiles, Sultan Al Jaber tente de...

Sultan Al Jaber president COP28 EAU Dubai Masdar Corporate 01

COP28 : le président Sultan Al Jaber en plein "déni scientifique" sur la fin des énergies fossiles

Un président de COP ne devrait pas dire ça. The Guardian vient de révéler une vidéo dans laquelle Sultan Al Jaber, président de la COP28, affirme que la sortie des énergies fossiles pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C ne repose pas sur des "données scientifiques". Une polémique de plus...