Publié le 05 mars 2022
ENVIRONNEMENT
Pourquoi le changement climatique et la guerre en Ukraine sont liés
"Le changement climatique et les conflits ont les mêmes racines : les combustibles fossiles". C'est ce qu'a déclaré la météorologue et membre du GIEC ukrainienne Svitlana Romanko en pleine invasion russe. Plusieurs ONG dénoncent en effet une "machine de guerre" alimentée par les industries fossiles alors que 36 % des recettes de l'État russe proviennent des exportations de gaz et de pétrole.

Viktor Antonyuk / Sputnik via AFP
C’est un rapport majeur pour la compréhension des impacts du changement climatique et l’urgence de l’adaptation. Et pourtant, malgré la vague de réactions qu’elles ont suscitées dans le monde entier, les conclusions du nouveau rapport du Giec, ce groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique, n’ont pas fait la Une des journaux télévisés. Le compte Twitter Climat Medias a comptabilisé le temps dédié à la sortie du rapport dans les principaux JT. Depuis le lundi 28 février, seulement trois minutes de temps d’antenne ont été consacrés au rapport dans les JT de TF1, France 2, France 3 et M6 cumulé.
En pleine guerre en Ukraine, il semble difficile pour les médias de faire de la place à l’actualité climatique. Elles sont pourtant liées. C’est en tout cas ce que soutient Svitlana Krakoska, météorologue ukrainienne et membre du Giec. Dans une réunion vidéo du groupe d’experts internationaux, la spécialiste a déclaré : "L’argent qui finance cette agression (russe en Ukraine, NDR) est directement lié au changement climatique puisque cet argent vient des énergies fossiles, pétrole et gaz. Si nous ne dépendions pas de ces énergies, la Russie n’aurait pas les moyens d’entreprendre cette guerre", a-t-elle ajouté.
Construire un "avenir résilient"
Et la chercheuse n’est pas la seule à dénoncer ces liens entre énergies fossiles et guerre. Dans une lettre publiée le 3 mars, plusieurs ONG dont 350.org pointent le rôle central que jouent les combustibles fossiles dans les conflits. La militante et stratège climatique basée en Ukraine Svitlana Romanko écrit d’ailleurs : "Le changement climatique et les conflits ont les mêmes racines -les combustibles fossiles- et notre dépendance à leur égard. Nous ne capitulerons pas en Ukraine, et nous espérons que le monde ne capitulera pas dans la construction d’un avenir résilient au changement climatique".
Aujourd’hui, la Russie est le deuxième exportateur de gaz au monde et le troisième exportateur de pétrole. Ce commerce représente 36 % des recettes de l’État russe et contribue à la richesse personnelle de Vladimir Poutine. Or, aujourd’hui, l’Union européenne dépend à 40 % de Moscou pour son approvisionnement en gaz. "La machine de guerre a été financée, nourrie et alimentée par les industries du charbon, du pétrole et du gaz qui encouragent à la fois l’invasion qui menace l’Ukraine et la crise climatique qui menace l’avenir de l’humanité", écrivent les ONG.
Baisser le thermostat
D’où la demande de l’ONG Reclaim Finance, adressée à plusieurs banques, de ne plus financer les entreprises qui exploitent les énergies fossiles en Russie. "Le fonds souverain norvégien a déjà fait savoir qu’il désinvestira des entreprises russes présentes dans son portefeuille, nous vous appelons à en faire de même, en commençant par vous retirer des entreprises du secteur des énergies fossiles", écrit l’ONG dans une lettre ouverte adressée à Philippe Brassac, PDG du groupe Crédit Agricole.
Un tel désinvestissement implique également un sevrage des sociétés occidentales aux énergies fossiles. En attendant, le directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie, Fatih Birol, recommande très sérieusement de baisser notre thermostat pour consommer moins d’énergie et par conséquent moins de gaz. "La Russie utilise ses ressources en gaz naturel comme une arme économique et politique. C’est clair pour tout le monde dans le monde", a-t-il souligné.
Marina Fabre Soundron @fabre_marina