Publié le 18 juillet 2023
ENVIRONNEMENT
Planification écologique : les financements sont prêts, manquent les arbitrages
Le Conseil de planification écologique, qui était prévu le 5 juillet puis ce lundi 17 juillet en présence d’Emmanuel Macron et de sa première ministre, Élisabeth Borne, a une nouvelle fois été reporté. En attendant des orientations précises de la part du président de la République, plusieurs annonces concernant les financements de la planification écologique ont ponctué ces derniers jours, dont il faut pour l’instant se contenter.

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Un budget qui fait la part belle à l'écologie, une fois n'est pas coutume. Le document budgétaire pour 2024, transmis aux parlementaires dimanche 16 juillet, acte l’enveloppe de 7 milliards d’euros supplémentaires dédiés à la planification écologique en 2024 par rapport à 2023, conformément aux annonces de la Première ministre. "Le budget 2024 est celui du désendettement vert, confirme dans les colonnes des Échos Gabriel Attal, le ministre délégué aux Comptes publics. On sort des dépenses exceptionnelles de crise et on fait des économies pour financer la transition", assure-t-il.
Dans le détail, 1,6 milliard d’euros ira à la rénovation des logements, sur le budget de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). Le "fonds vert" de soutien aux collectivités territoriales sera reconduit et renforcé à hauteur de 2,5 milliards d’euros. Les engagements du fonds chaleur augmenteront aussi de près de 60%, détaille Bercy. Les crédits dédiés aux mobilités, notamment à l’évolution des infrastructures de transport et au verdissement du parc automobile, augmenteront pour leur part de 1,1 milliard d’euros. S’agissant de l’agriculture et de la forêt, ce sont plus de 2 milliards d’euros de crédits additionnels qui sont ajoutés dans le cadre de la planification écologique.
L’épargne des Français mobilisée
Au total, le gouvernement espère ainsi mobiliser quelque 60 milliards d’euros pour financer la planification écologique en 2024, suivant les recommandations du rapport Pisani-Ferry-Mahfouz, qui évoquait la somme de 66 milliards d’euros annuels via un financement public et privé. "L'objectif est que ces 7 milliards permettent de mobiliser autour d'une vingtaine de milliards d'argent public supplémentaires, et que ces 20 milliards génèrent eux-mêmes environ trois fois plus d'investissements dans l'économie", explique l'eurodéputé Renew Pascal Canfin dans Les Échos.
Pour cela, Bercy compte notamment sur l’épargne des ménages, estimée à 3 200 milliards d’euros. "On peut en utiliser 5%, soit 160 milliards d’euros par an", a détaillé Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie lors d’un point presse. Parmi les mesures annoncées lors du premier comité du financement de la transition écologique, qui s’est tenu mercredi 12 juillet, il y a par exemple la possibilité pour les détenteurs d’un plan d’épargne-logement (PEL) de débloquer les fonds de façon anticipée pour financer des travaux de rénovation thermique. Les Livrets développement durable et solidaire, avec un encours de 130 milliards d’euros, devront aussi davantage être fléchés vers des projets verts.
Des choix politiques "historiques"
"On se réjouit de ces annonces sur les financements de la transition écologique, c’est un effort inédit sur un seul exercice", réagit auprès de Novethic Erwann Kerrand, chef de projet Investissements et Financements publics chez I4CE. "On sait aussi qu’il faudra augmenter ces investissements à l’avenir, et la première ministre l’a reconnu se donnant comme prochaine étape de définir une trajectoire de financement de la transition écologique sur plusieurs années. C’est une bonne nouvelle, espérons que cette trajectoire sera présentée dès l’automne à l’occasion de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques ou de la loi de programmation énergie climat", ajoute le spécialiste.
Greenpeace France de son côté estime que ces annonces "au compte-gouttes" et le report du Conseil de planification écologique à la rentrée, "sont un très mauvais signal pour le climat". Selon Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, Emmanuel Macron devrait s’exprimer "d’ici la fin du mois de juillet" afin de dresser le bilan des 100 jours fixés au sortir de la crise des retraites. En parallèle, le gouvernement a d’ores et déjà mis en ligne un document intitulé "Mieux agir - la planification écologique" avec des premières orientations, en complément des objectifs chiffrés de réduction pour chaque grand secteur de l'économie, fin mai. Certaines pistes sont présentées, comme l’incitation à la production de véhicules électriques légers ou l'anticipation d'un besoin croissant de biomasse.
"Mais il manque un portage présidentiel. Nous avons besoin d’arbitrages politiques pour savoir comment on fixe le cap et comment on atteint ces objectifs", explique à Novethic Emeline Notari, responsable politique et climat au sein du Réseau action climat. Le Shift Projet, qui salue "le travail novateur du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE)" pointe aussi la nécessité de faire des choix politiques "historiques", dont "la matérialisation demeure pour le moins incertaine, à l’heure où le gouvernement tarde à annoncer ses arbitrages dans le cadre de la nouvelle Stratégie nationale bas-carbone, la SNBC 3".