Publié le 06 novembre 2023

ENVIRONNEMENT

Infographie : Nos forêts absorbent de moins en moins de CO2 et pourraient devenir un obstacle à la neutralité carbone

Les forêts françaises, en piégeant le CO2 atmosphérique, contribuent de manière décisive à la lutte contre le réchauffement climatique. Mais ce rôle de puits de carbone naturel est aujourd’hui menacé, mettant en péril l'atteinte de nos objectifs climatiques. 

Foret unsplash Sebastian Unrau
La mortalité des forêts françaises a augmenté de 77% en dix ans.
@unsplash / Sebastian Unrau

En dix ans, nos forêts ont absorbé un tiers de CO2 en moins. Ça c’est si on prend la moyenne annuelle. Entre 2013 et 2021, elles ont ainsi absorbé 40 millions de tonnes de CO2 par an contre 60 millions sur la décennie précédente. Mais si l’on prend uniquement les dernières années, de 2018 à 2022, alors la tendance est encore plus alarmante, puisque les chiffres sont divisés par deux. Selon une estimation du Citepa, l’organisme qui inventorie les émissions de gaz à effet de serre de la France, en 2022, les forêts ont capté seulement 27,6 millions de tonnes de CO2.

Certaines forêts sont même devenues excédentaires et émettent plus de CO2 qu’elles n’en absorbent. C’est le cas notamment dans le Grand Est. "L’exploitation forestière y est assez intensive, presque autant que sur la plantation des Landes", explique dans dans plusieurs tweets le chercheur Philippe Ciais. "La région est affectée par la crise des scolytes des résineux depuis 2019", ajoute-t-il. Dans les Hauts-de-France, en Normandie ou encore en Auvergne, les forêts mais aussi les autres puits de carbone (prairies, sols, etc...) émettent aussi du CO2 et ne jouent plus leur rôle de régulateur du climat, selon le dernier inventaire du Citepa. En cause, le changement climatique qui fragilise les écosystèmes forestiers.

Foret en péril

Le chêne, le hêtre, ou encore le pin sylvestre risquent de disparaître

"On assiste depuis une vingtaine d’années à une surmortalité, un déficit de régénération et des pertes de productivité, essentiellement à cause des sécheresses qui provoquent un affaiblissement des arbres alors rendus plus sensibles aux pathogènes et aux ravageurs", résume l’Académie des sciences dans un rapport publié en juin dernier. 

Un constat renforcé par les données annuelles de l’IGN (Institut national de l'information géographique et forestière). La mortalité des arbres a ainsi augmenté de 77% en dix ans. Les jeunes plants notamment sont impactés avec un taux record de mortalité de 38% en 2022 en raison des sécheresses. La croissance des arbres n’est pas non plus au rendez-vous avec un ralentissement de 4% sur la dernière décennie. Or, moins les arbres poussent, moins ils stockent du CO2. Enfin, 4% de la forêt est aujourd'hui dépérissante, c’est-à-dire que sur ces parcelles, on compte au moins 20% d'arbres morts.

"Les projections des modèles de fonctionnement des arbres forestiers montrent que les tendances déjà visibles de dépérissement vont s’accentuer dans les prochaines années et que des essences emblématiques telles que le chêne, le hêtre, ou encore le pin sylvestre risquent de disparaître d’une grande partie de la France avant la fin du 21e siècle", prévient l’Académie des sciences.

Quel avenir pour la récolte de bois ?  

Outre le changement climatique, la récolte de bois a aussi un impact. Celle-ci a augmenté de 20% entre 2012 et 2020 par rapport à 2005-2013, toujours selon l’IGN. Alors que faire pour sauver nos forêts et atteindre nos objectifs climatiques ? Le gouvernement doit prochainement publier sa nouvelle feuille de route pour la période 2023-2030 (Stratégie nationale bas-carbone, SNBC3) et devra définir des objectifs pour le secteur des forêts et des sols. Bien que la SNBC2 préconise une augmentation des prélèvements de bois, l'Académie des sciences suggère que "les produits bois à longue durée de vie et à fort potentiel de substitution (comme les charpentes, les panneaux ou isolants à base de bois dans la construction ou encore les produits pour l’ameublement, NDR)" soient privilégiés contrairement au bois-énergie.

Le gouvernement mise également sur la plantation d’un milliard d’arbres en dix ans. Une idée qui peut sembler séduisante de prime abord mais s dont la mise en œuvre doit être plus fortement encadrée pour éviter la généralisation du modèle coupes rases/plantation en monoculture qui ne permet pas de répondre à l’enjeu climatique. "Relever les défis auxquels la forêt et ses usages sont confrontés s’avère beaucoup plus complexe que l’idée simpliste selon laquelle il suffirait de planter des arbres ou de les laisser pousser", persifle encore l’Académie des sciences.

Concepcion Alvarez


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