Publié le 26 octobre 2015

ENVIRONNEMENT

Négociations climatiques : la balle est renvoyée dans le camp des politiques

Au terme d’une semaine de difficiles négociations, les délégués des 195 pays se sont accordés sur un nouveau texte long de 54 pages aux options encore trop nombreuses pour le rendre cohérent. Les représentants politiques sont désormais au pied du mur. Décrypta

Les délégués des 195 pays réunis dans le World Congress Center de Bonn Allemagne IISD
Les délégués des 195 pays réunis la semaine dernière dans le World Congress Center de Bonn, en Allemagne.
IISD

Le dernier round des négociations préparatoires au futur accord de Paris sur le changement climatique s’est ouvert sur les ravages causés par le typhon Koppu aux Philippines. Il s’est achevé avec le passage imminent de l’ouragan Patricia sur les côtes mexicaines. "L’ouragan Patricia est de force 5, avec des vents de 350 à 400 km/h (...) Des zones entières ont déjà été évacuées. Je ne pense pas devoir en dire plus sur l’urgence qu’il y a à trouver un accord. Je vous demande à tous de mettre vos divergences de coté pour qu’ensemble nous puissions commencer à travailler." 

C’est l’appel, déclamé d’une voix tremblante d’émotion, que le délégué mexicain, Roberto Dondisch Glowinski, a lancé, lors de la séance de clôture du 23 octobre, à ses pairs. Pour qu’ils s’accordent enfin sur un accord universel permettant de contenir le réchauffement climatique sous la barre des 2°C. Un appel salué par des applaudissements soutenus dans la salle.  

 

Une base d’accord    

 

Mais il faudra plus que des applaudissements. Car après cinq jours de négociations ardues, les délégués ont produit un texte de 54 pages aux options encore trop nombreuses pour le rendre cohérent. C’est 35 pages de plus que le brouillon publié par les deux coprésidents de l'Assemblée des négociateurs, l'Algérien Ahmed Djoghlaf et l'Américain Daniel Reifsnyder.  

Cela a notamment permis de réintégrer les demandes des pays en développement. "Ce texte contient tous les éléments nécessaires pour obtenir un accord satisfaisant", se félicite Martin Kaiser, expert climat pour Greenpeace. "Nous avons aujourd’hui les bases textuelles pour qu’un accord ambitieux et équitable soit signé à Paris", renchérit Romain Benicchio, porte-parole pour Oxfam France. 

Mais il va désormais falloir trancher sur les différentes options. Et là c’est désormais aux politiques de jouer, selon les négociateurs, qui ont davantage un rôle technique. "Nous nous approchons de la ligne d’arrivée et certains points ne peuvent être tranchés par les négociateurs", observe le co-président Ahmed Djoghlaf, dans un entretien à la presse. Même observation du côté de l’Union européenne. "Certaines options ne peuvent être résolues à notre niveau", assure ainsi Elina Bardram, négociatrice en chef de l’UE.  

 

Deux visions qui s’opposent  

 

Si tous les thèmes essentiels sont présents dans le texte, des options bien trop nombreuses et surtout bien trop divergentes pour former un ensemble cohérent les négociateurs y ont été introduites. Et ce, sur la plupart des enjeux : le financement, l’adaptation, l’atténuation, le mécanisme de "pertes et dommages", la différentiation, les mécanismes de révision, les objectifs à long terme. C’est la raison pour laquelle les politiques doivent intervenir. Ils vont devoir trancher entre les différentes visions proposées par les délégués des 195 pays.     

Car il s’agit bien de deux visions qui se profilent dans le texte, analyse Romain Benicchio. "D’un côté, un accord qui fait le choix du plus petit dénominateur commun et ne répond pas à l’étendue des besoins des populations les plus vulnérables. De l’autre, un accord ambitieux et équitable, qui souligne l’importance de l’adaptation pour les populations les plus vulnérables au changement climatique. Il s’agira d’ici Paris de choisir les bonnes options".  

 

Trois rendez-vous politiques essentiels   

 

Les ministres et chefs d’Etat disposent de trois échéances pour y parvenir : la pré-COP (8-10 novembre), le G20 (15-16 novembre) en Turquie et le premier jour de la conférence climat en présence des chefs d’Etat (30 novembre). "Cela donne du temps aux ministres et aux diplomates pour négocier en amont, certains parmi eux peuvent avoir des As dans leurs manches", observe Dan Reifsnyder. "Parce que si j’étais un négociateur, je ne mettrais pas toutes mes cartes sur la table aujourd’hui alors que les véritables négociations ont lieu en décembre..."    

Claire Stam, envoyée spéciale à Bonn
© 2023 Novethic - Tous droits réservés

‹‹ Retour à la liste des articles

Pour aller plus loin

COP21 : l’aide du Nord, une question de "vie ou de mort" pour les pays du Sud

En tapant du poing sur la table dès l’ouverture des dernières négociations préparatoires avant la conférence de Paris, les pays en développement ont profondément modifié la donne dans le jeu complexe de la diplomatie climatique. Ils ont rappelé qu’ils font déjà face aux dévastations...

COP21 : vive contestation du texte de négociation par les pays en développement

Alors que s’ouvre à Bonn l’ultime session de la Convention Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), les délégués des pays en voie de développement ont vivement contesté la validité du texte de négociation présenté par les deux coprésidents début octobre. Et ils ont...

COP21 : les 100 milliards à portée de main

A Lima, au Pérou, les banques multilatérales viennent d’annoncer qu’elles consacreraient 15 milliards de dollars supplémentaires au climat d’ici 2020. L’enjeu est de donner du crédit à la promesse faite en 2009 par les pays du Nord de verser 100 milliards de dollars aux pays du Sud pour...

OCDE : des financements climat insuffisants pour les pays victimes du réchauffement climatique

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) vient de rendre public mercredi 7 octobre dans un rapport le montant estimé des...

COP21 : le nouveau brouillon du texte de négociation épuré et clarifié

A moins de deux mois de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Paris (COP21), les deux co-président de l’Assemblée des négociateurs aux Nations unies, l’Algérien Ahmed Djoghlaf et l’Américain Dan Reifsnyder, ont publié lundi 5 octobre un texte de négociation...

Laurence Tubiana : "la COP 21 est la meilleure chance que nous ayons eue jusqu'ici pour lutter contre le changement climatique"

A J-58 de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques à Paris (COP 21), le bal des engagements s’accélère. 143 Etats ont rendu leur plan de lutte contre le changement climatique (INDC) à l’Organisation des Nations Unies (ONU) et les entreprises multiplient les annonces...

ENVIRONNEMENT

Climat

Les alertes sur le changement climatique lancées par les scientifiques conduisent à l’organisation de sommets internationaux, à la mise en place de marché carbone en Europe mais aussi en Chine. En attendant les humains comme les entreprises doivent déjà s’adapter aux changements de climat dans de nombreuses parties du monde.

Antarctique Unsplash Cassie matias

La Terre est sur le point de franchir cinq points de bascule : une menace "sans précédent"

La Terre toujours plus dans le rouge. Sur 26 points de bascule – ou "tipping points" - identifiés, cinq sont à la limite d’être franchis, et trois autres pourraient l’être très prochainement si les températures continuent d’augmenter, avertit une nouvelle étude publiée ce mercredi 5 décembre. Une...

Fin des énergies fossiles Lobbies KARIM SAHIBAFP

2 456 lobbyistes fossiles à la COP28, une marée noire record

C'est le chiffre choc de la COP28. 2 456 lobbyistes fossiles - "au moins" - ont obtenu une accréditation pour participer à ce nouveau sommet pour le climat, qui se tient actuellement à Dubaï. Ce nombre dévoilé par une coalition d’ONGs, Kick Big Polluters Out, montre à quel point l’ombre des lobbies...

CO2 Photo de Markus Spiske sur Unsplash

Niveau record d’émissions de CO2 dans le monde : les trois graphiques à retenir

Alors que la première semaine de la COP28 s’achève à Dubaï, la nouvelle édition du Global Carbon Project, publiée ce mardi 5 décembre, rappelle que les émissions de CO2 ne cessent d’augmenter, jusqu’à atteindre un niveau record en 2023. En cause, la Chine et l’Inde, dont la consommation de charbon...

Baril petrole bourse risque prim91 1

COP28 et sport : les pays du Golfe, les rois du soft power

Entre la COP28 organisée aux Emirats arabes Unis ou la main-mise du Qatar et de l’Arabie Saoudite sur les grands évènements sportifs, le soft power des pays du Golfe s’étend, au détriment de la lutte contre le dérèglement climatique.