Publié le 06 avril 2015

ENVIRONNEMENT

Les banques de développement, des acteurs clés dans le financement de la lutte contre le changement climatique

Le 31 mars, une coalition inédite de banques de développement et de financeurs privés s’est réunie à Paris pour établir des normes communes sur la finance climat. Alors que la question du financement de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de l’adaptation au changement climatique est absolument clé pour espérer conclure un accord international à Paris, cette initiative est un signal important envoyé aux pays les plus pauvres et les plus vulnérables au changement climatique.

Oasis. Photo d'illustration.
Photostock Israel / Cultura créative

"Les banques de développement se préoccupent du climat car sinon elles ne feraient pas correctement leur métier. Le  dérèglement climatique est une menace pour le progrès et le développement des pays et, parallèlement, le développement peut être une menace pour le climat s’il s’accompagne d’une forte consommation en ressources et énergie. Les banques de développement ont donc un rôle crucial à jouer pour financer de nouveaux modèles de développement moins émissifs."

Ce constat, implacable,  est celui d’Anne Paugam, la directrice de l'AFD (Agence française du développement). Elle l'a formulé lors du Forum Finance climat organisé le 31 mars à Paris à l’initiative de l’IDFC, un club de 22 banques publiques de développement internationales, régionales et nationales, auquel se sont agrégées six banques multilatérales comme la Banque mondiale ou la Banque européenne d'investissement.

 

Une forte croissance

 

En 2013, les membres de l’IDFC ont investi 87 milliards de dollars dans la finance climat, en matière d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. C’est beaucoup mieux qu’il y a quelques années seulement (+23% par rapport à 2011) mais encore peu si l’on considère que l’ensemble de leurs engagements annuels comptent pour environ 400 milliards de dollars.

En France, l’AFD a un objectif de 50% de projets devant avoir un co-bénéfice climat, un seuil qu’elle dépasse depuis deux ans (53% en 2014). En 2014, elle a également lancé sa première obligation climat, levant un milliard d’euros sur les marchés financiers. D’autres, comme la BEI (banque européenne d’investissement), analysent les projets  à l’aune d’un prix du carbone. A l’IDFC, 20 personnes travaillent sur la finance climat, assure Ulrich Schröder, président de l’IDFC et de la Kfw.

 

 

Verdir les projets financés par les banques de développement

 

Mais il reste du chemin à parcourir pour faire des banques de développement des investisseurs verts. Jusque-là, il n’existait même pas de socle commun sur la définition ou la méthodologie de la finance climat. C’est donc à cela que se sont en priorité employés les participants au Forum climat. Un accord y a été trouvé sur des principes communs concernant la comptabilisation des financements liés à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (mitigation ou atténuation).

Ainsi, seule la partie du projet ayant un impact sur le climat, c’est-à-dire qui est destinée à réduire/limiter les émissions de gaz à effet de serre ou à augmenter la séquestration des émissions, devra désormais être comptabilisée comme de la finance climat. Quant à la méthodologie sur le financement de l’adaptation, elle a progressé mais elle reste plus complexe. Elle devra être présentée d’ici l’été.

Ce premier pas, technique, est essentiel pour permettre aux banques de développement de verdir leurs investissements. Pour avancer plus vite, plusieurs institutions pionnières en la matière (au titre desquelles l’AFD) ont constitué un groupe pilote destiné à établir un socle de meilleures pratiques de verdissement d’ici à la COP 21.

Une liste de 63 types de projets d’atténuation (infrastructures de production d'électricité ou de chaleur à partir d'énergies renouvelables, amélioration de l'efficacité énergétique dans l'industrie, reforestation, transports urbains plus propres, etc.) a également été établie pour aider les banques de développement à s’y retrouver.

 

Mobiliser aussi le secteur privé

 

Surtout, seules les banques de développement sont démunies face à l’ampleur des besoins. Elles espèrent donc faire effet de levier pour que le secteur privé s’empare de la question. Que ce soit par le biais du fonds vert, l’instrument onusien qui doit permettre aux pays les plus vulnérables d’atténuer les effets du changement climatique et de s’y adapter (10 milliards d’engagement de la part des États, sur les 100 milliards annuels à partir de 2020 promis lors de la conférence de Copenhague en 2009), ou d’autres instruments innovants.

"Nous avons identifié les green bonds comme un bon instrument pour financer les infrastructures vertes, mais il est important de souligner que les investisseurs restent encore plus concernés par le risque que par les récompenses", soulignait la directrice finance climat du World Resource Institute, Athena Ballesteros, lors de la restitution des échanges du Forum climat.

Le temps presse : outre l’urgence climatique elle-même, l’année 2015 est balisée d’évènements clés pour border le financement de la lutte contre le changement climatique. Le sujet sera à l’ordre du jour des assemblées de printemps de la Banque mondiale et du FMI du 16 au 18 avril, mais aussi en mai avec le Climate Finance Day (groupe Caisse des dépôts, Paris Europlace et BEI), en juillet à Addis Abeba (Ethiopie), où devra être défini un cadre mondial pour le développement durable (le draft zero est consultable ici).

L’enjeu est crucial. Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères de la France, qui sera l’hôte de la Conférence onusienne sur le climat (COP21), a affirmé à plusieurs reprises que la question de l’ampleur et de la crédibilité des financements apportés par les pays occidentaux aux pays du Sud, les plus vulnérables au changement climatique, serait absolument déterminante pour la conclusion d’un accord international en décembre 2015.

Béatrice Héraud
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