Publié le 23 mai 2022
ENVIRONNEMENT
Les Australiens changent de camp sur le climat
Anthony Albanese, le nouveau Premier Ministre australien qui vient de battre Scott Morrison, défenseur du charbon, a promis de mettre fin aux "guerres climatiques" et faire de son pays une "super puissance des renouvelables". Travailliste, il est en rupture avec les conservateurs qui ont détenu le pouvoir pendant neuf ans non seulement sur le climat mais aussi sur les droits des aborigènes ou l’attention à porter aux îles du Pacifique menacées de submersion.

WENDELL TEODORO / AFP
Changement de cap politique en Australie, laminée par les événements climatiques extrêmes et jusque-là très divisée sur les enjeux climatiques et la protection de l’environnement. Le Travailliste Anthony Albanese, a battu Scott Morrison, ardent défenseur du charbon, principale source d’énergie dans un pays dont l’industrie minière est très puissante. Le futur Premier Ministre ne s’attaque pas frontalement au charbon mais a des objectifs beaucoup plus ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre du pays.
D’ici 2030, il veut les réduire de 43 % par rapport au niveau de 2005 contre 28 % pour son prédécesseur, adepte du "techno-solutionnisme". Son plan pour atteindre la neutralité carbone, annoncé pour la COP 26 fin 2021, n’avait pas convaincu car il évoquait des technologies pas encore matures, voire inconnues. Les Travaillistes promettent des aides pour l'achat de voitures électriques et ont des projets sur l’énergie solaire et les batteries. Ils veulent aussi adopter un mécanisme renforcé pour inciter les grandes entreprises à réduire leurs émissions.
Une révolution culturelle
Confrontés à des événements climatiques extrêmes depuis trois ans, les Australiens ont aussi donné son score le plus élevé de son histoire au Parti Vert : "Nous venons de connaître trois années de sécheresse, puis des incendies et maintenant des inondations. Les gens peuvent voir qui le changement climatique est déjà là et qu’il est en train de s’aggraver", a commenté Adam Bandt, son leader. Il a ajouté : "Ce vote montre que, pour les Australiens, la crise climatique est un sujet sur lequel ils veulent agir." Les électeurs y sont d’autant plus sensibles que ce pays riche est en train de devenir inassurable face à la répétition des catastrophes. Ils n’ont sans doute pas pardonné à Scott Morisson sa désinvolture lors des grands incendies de 2O19. Il avait non seulement maintenu ses vacances à Hawaï mais aussi justifier sa fuite en déclarant "qu’il n’était pas pompier".
En Australie comme ailleurs, le climat est un des thèmes qui permet de changer durablement le modèle dominant. Cela suppose une révolution culturelle, à l’image du travail entrepris par le groupe minier anglo-australien Rio Tinto après la crise ouverte en 2020 par le dynamitage du site aborigène de Jukaan Gorge. C’est pourquoi la reconnaissance de la culture aborigène est un élément clef du programme d’Anthony Albanese. Il a martelé pendant sa campagne : "Nous serons encore plus forts, plus soudés et plus fiers si (...) nous reconnaissons que notre histoire n'a pas commencé en 1788 mais avec les 65 000 ans de la plus ancienne civilisation ininterrompue de la planète". Pour étendre les droits de ce peuple autochtone, le futur gouvernement a aussi promis un référendum pour modifier la Constitution. Comme au Canada, les peuples des Premières Nations veulent être consultés sur les politiques qui les affectent.
"La montée des eaux a déjà commencé à submerger les atolls"
Enfin l’Australie d’Anthony Albanese espère améliorer ses relations avec les nations insulaires du Pacifique, menacées par la montée des eaux avec une politique environnementale plus ambitieuse. Tous étaient venus tirer la sonnette d’alarme à la COP 26 à l’image de Fiame Naomi Mata'afa, cheffe du gouvernement des Samoa : "La montée des eaux a déjà commencé à submerger les atolls de la région, les archipels des Tokelau, Tuvalu et Kiribati", y avait-elle expliqué ajoutant que "les pays émetteurs de CO2 devaient préférer le sauvetage de la planète à leur croissance économique". Elle ciblait l’Australie comme la Chine, les deux grandes puissances économiques de la région.
Le départ de Scott Morrison en Australie après celui de Trump aux États-Unis, permet une alternance démocratique sur la question climatique. Reste Jair Bolsonaro, toujours président du Brésil au moins jusqu’aux prochaines élections présidentielles prévues en octobre. Il continue à nier avoir intensifié l’exploitation de l'Amazonie. Sa politique menace pourtant le principal poumon de la planète de façon sans doute irréversible.
Anne-Catherine Husson Traore, @AC_HT, directrice générale de Novethic avec AFP