Publié le 01 juin 2017
ENVIRONNEMENT
Les actionnaires d’Exxon défient Trump et votent pour le climat
Lors de l’Assemblée générale du premier pétrolier américain, les actionnaires ont adopté la résolution 12 qui impose à l’entreprise de proposer une stratégie compatible avec un réchauffement climatique inférieur à 2°C. Si la Direction d’Exxon s’y est opposée, les grands gestionnaires d’actifs ont fait pencher la balance du bon côté.

Pour certains, c’est presque le Grand Soir du climat. Pour d’autres, l’émotion n’est pas loin de celle ressentie lors de la signature de l’Accord de Paris en décembre 2015. Ce mercredi 31 mai, les actionnaires du plus grand pétrolier américain, Exxon, ont voté en faveur d’une résolution qui met la société en demeure de proposer des stratégies compatibles avec le maintien du réchauffement climatique en-dessous de 2 degrés, comme prévu par l'Accord de Paris.
La résolution était portée par le fonds de retraite de l'État de New York, l'un des principaux fonds de pensions publics américains et elle était soutenue par le fonds d'investissement de l'Église d'Angleterre. Elle a été adoptée avec 62,3 % des voix. L’année passée, la même motion n’avait recueilli que 38,2 % des suffrages. L’engagement des grands gestionnaires d’actifs, à commencer par le géant BlackRock qui détient 11% d'Exxon, a permis de changer la donne, bien que la direction du pétrolier se soit opposée fermement à cette mesure.
Le risque climatique est devenu un risque financier
"C’est une victoire pour les investisseurs intelligents. Ils refusent que des politiques de déni sur le réchauffement climatique finissent par nuire à leurs investissements. Le risque carbone est réel, il est matériel et il s’accélère", juge Lisa Anne Hamilton, directrice du cabinet d’avocat Ciel (Center for International Environmental Law). De son côté, Thomas P. DiNapoli, qui représentait le fond de pension de l’État de New-York, assure qu’il s’agit "d’une victoire sans précédent pour les investisseurs afin d’assurer une transition en douceur vers une économie bas carbone".
Très pragmatique, il ajoute : "Le changement climatique est l'un des plus grands risques qui pèsent à long terme sur nos actifs financiers. Il a un impact direct sur le cœur de métier d'ExxonMobil. L’entreprise doit maintenant montrer à ses actionnaires qu’il a compris la nature du risque et s’y prépare".
"Ce vote symbolise le changement de paradigme en cours dans le monde financier. Les investisseurs de long terme sont de plus en plus nombreux à comprendre que le risque climatique est devenu un risque financier, tangible et mesurable. Ils attendent des entreprises qu’elles publient des informations témoignant de leur capacité à gérer ce risque conformément aux lignes directrices définies fin 2016 par la Task Force on Climate Disclosure du conseil de stabilité financière du G20. Elles servent de référence à l’évaluation de la qualité des scénarios proposés par les compagnies pétrolières", analyse Anne-Catherine Husson Traore, membre de l’initiative européenne High-Level Expert Group on Sustainable Finance (et Directrice générale de Novethic).
Au même moment, les États-Unis menacent de se retirer de l’Accord de Paris
Le symbole de ce vote est d’autant plus fort que des risques plus juridiques liés au climat pèsent sur le pétrolier. Depuis l'automne 2015, plusieurs procureurs enquêtent pour savoir si Exxon a sciemment dissimulé ses connaissances sur le réchauffement. "Les entreprises qui trompent les investisseurs et les consommateurs à propos des dangers du changement climatique doivent rendre des comptes", assurent Maura Healey, procureur général de l'Etat du Massachusetts.
Les investisseurs ont, dans le même temps, envoyé un message à la Maison Blanche qui laisse filtrer des informations sur la sortie imminente des États-Unis de l’Accord de Paris. Si d’ici quelques jours, Donald Trump officialise le retrait de son pays, il le fera contre le G7, l’ONU, et les entreprises américaines engagées dans ce combat. Il le fera aussi contre la majorité des actionnaires d’Exxon qui espèrent ne pas avoir à payer le prix d’une décision prise par un gouvernement auquel participe l’ancien dirigeant du groupe pétrolier, Rex Tillerson !
Ludovic Dupin, @ludovicDupin avec la rédaction