Publié le 19 novembre 2023
ENVIRONNEMENT
Tourisme durable : Le voyagiste Evaneos sonne la fin des city breaks ultra-carbonés
Les voyages de moins de cinq jours à l'autre bout de l'Europe, ou pire sur un autre continent, c'est fini ! L'agence de voyage en ligne Evaneos les retire définitivement de son catalogue pour se concentrer sur des voyages plus longs ou plus proches. Face à l'urgence écologique, il faudra désormais choisir. Et comme le tourisme reste une affaire de plaisir et d'évasion, le voyagiste enrichit en contrepartie son offre de proximité et veut encourager l'usage du train.

@Andrea Piacquadio / Pexels
Du séjour éclair sous le soleil de Lisbonne à la brève découverte de Budapest sous la neige, les city breaks ont le vent en poupe. Les vols low cost ont popularisé ces promesses d'évasion express. Pourtant, le transport émet des quantités de CO2 disproportionnées par rapport à la fréquence de ces mini-vacances. En réalité, il faudrait que chaque Français se limite à un vol long-courrier tous les 10 ans pour rester en-dessous de 1,5 degrés de réchauffement selon une étude publiée au début du mois par Greenpeace et l'agence BL Evolution.
Pour mettre fin à cette fièvre ultra-carbonée, l'agence de voyage Evaneos va retirer dès 2024 de son catalogue les séjours de cinq jours ou moins pour les destinations lointaines et le plus souvent ralliées en avion. Le but ? Rendre plus long et exceptionnel ce type de voyage et, à la place, mettre en avant des escapades plus proches. "Voir des publicités avec des cocotiers peut donner envie de voyager loin, nous avons un rôle important à jouer pour changer les imaginaires du voyage", reconnaît auprès de Novethic Marion Phillips, directrice durabilité chez Evaneos.
"La part de nos destinations lointaines doit baisser"
La fin des city break est pour elle "un premier pas" qui ne l'"engage pas trop à court terme", précise Marion Philips. Car Evaneos l'assure, "nos clients recherchent des voyages authentiques, ils voient la valeur du temps long". L'agence est déjà positionnée en majorité sur des séjours de plus d'une semaine, en partenariat avec des acteurs locaux. Malgré tout, derrière cette décision se trouve un véritable changement de cap pour une agence spécialisée dans les voyages aux quatre coins du monde et qui compte plus de 160 destinations et 200 salariés en France.
"La part de nos destinations lointaines doit encore baisser, affirme la responsable du développement durable. Nous sommes prêts à tirer un trait sur des revenus si ce n'est pas cohérent avec nos valeurs". Il faut donc créer des alternatives. De nouvelles propositions comme la rencontre avec les loups dans le Mercantour ou encore la découverte des vignobles bordelais se sont glissées dans le catalogue. L'agence travaille aussi à décarboner les activités sur place en proposant plus d'itinéraires en randonnée, à vélo ou en train. Le défi est de taille alors que 50% de ses voyages sont situés à plus de quatre heures de vol et que les transports représentent 71% du bilan carbone du voyagiste.
Reste aussi à encourager les trajets en train ou en bus quand c'est possible alors que le choix du mode de transport reste à la main du client. Evaneos devrait conclure en 2024 des partenariats avec des compagnies ferroviaires. Elle surveille aussi de près l'ouverture de nouvelles lignes. "Nous allons proposer de nouveaux itinéraires à mesure que le réseau ferroviaire se développe", précise Evaneos. Par exemple, aujourd'hui il est plus difficile pour les espagnols que pour les allemands d'accéder au reste de l'Europe".
"Une poignée d'agences ont des engagements similaires"
L'engagement d'Evaneos fait donc figure d'exception. "Seule une poignée d'agences ont des engagements similaires, mais elles sont en général petites en nombre de voyages et de clients et très engagées", explique Anne-Lise Olivier, directrice de l'association Acteurs du Tourisme Durable (ATD). Elle cite par exemple les agences labellisées par l'Association pour le Tourisme Local et Solidaire (ATES), qui comprend un volet environnemental. "Se défaire des séjours courts en avion est un risque économique mais dans le contexte de l'urgence climatique, il faut avoir le courage de prendre ce type de décision", ajoute Anne-Lise Olivier.
Les city breaks pèsent également lourd dans le bilan carbone du secteur du tourisme en France. Le tourisme réceptif, c'est à dire venant de l'étranger, émet quatre fois plus de CO2 par nuitée que le tourisme interne à cause des transports, selon le bilan carbone 2021 réalisé par l'Ademe. Particuliers comme professionnels peuvent désormais s'appuyer sur les nouvelles plateformes comme Hourrail ou Mollow qui remettent au goût du jour les excursions ferroviaires. "C'est encore tabou chez les professionnels mais il ne faut pas se voiler la face. Si demain nous réduisons le trafic aérien, il faut anticiper les changements dès maintenant", conclut Anne-Lise Olivier.