Publié le 06 décembre 2021
ENVIRONNEMENT
Le secteur de la santé représente 8 % des émissions de gaz à effet de serre en France
Le Shift Projet poursuit son Plan de transformation de l’économie française (PTEF) avec la publication d'un quatrième rapport consacré cette fois à la santé. Le secteur, jusque-là rarement pointé du doigt, représente tout de même 8 % des émissions de gaz à effet de serre dans l'Hexagone. Le think tank émet plusieurs recommandations pour décarboner la filière alors qu'un mouvement a émergé sur le sujet lors de la COP26 de Glasgow sur le climat.

@Ibrahim Boran
C’est un secteur longtemps resté en dehors des radars climatiques. Et pourtant, il est loin d’être anodin. Selon des estimations réalisées par le Shift Project, et publiées le 25 novembre (1), la santé représente près de 8 % des émissions de gaz à effet de serre de la France, soit près de 50 millions de tonnes de CO2. La filière, qui compte 2,5 millions d’actifs, consomme des biens et des aliments, produit des déchets, mobilise des transports, construit, chauffe et refroidit des locaux. Elle joue donc un rôle dans la dégradation du climat et de la biodiversité, rappelle le think tank.
Parmi les principaux postes d’émissions, il y a l’achat de médicaments (33 % des émissions), dont la production industrielle se fait majoritairement à l’étranger. En 2017, l’Agence européenne des médicaments (EMA) avait par exemple autorisé 91 nouveaux médicaments dont seulement six produits en France. Viennent ensuite les dispositifs médicaux (22 % des émissions) très souvent à usage unique - seringues, gants, compresses, scalpels, blouses… - et en troisième place les transports d’usagers, de visiteurs et de soignants (16 % des émissions).
Répartition des émissions de gaz à effet de serre du secteur de la santé (MtCO2e) – Calculs The Shift Project 2021
Diminution du recours aux médicaments, relocalisation, télémédecine...
Le Shift Project détaille une quarantaine de mesures pour décarboner le secteur de la santé. Le préalable indispensable est la prise en compte de l’ensemble des émissions dans les bilans carbone, alors qu’aujourd’hui les établissements ne sont pas tenus d'intégrer les émissions du Scope 3 (les émissions indirectes, les plus importantes). En outre, il est important de former les professionnels de santé à l’urgence climatique et à la transition bas-carbone, une demande de plus en plus formulée par les jeunes générations.
Plus concrètement, parmi les mesures proposées, il y a la relocalisation de certaines molécules essentielles en Europe et la décarbonation profonde des processus de fabrication et de distribution, la diminution du recours aux médicaments en agissant sur la prévention, le conditionnement de la délivrance de l’Autorisation de mise sur le marché (AMM) à la publication du contenu carbone du médicament ou du dispositif médical, la diminution du recours aux dispositifs médicaux et leur réutilisation lorsque cela est possible, l’interdiction des gaz anesthésiants à fort effet de serre ou encore le développement de la télémédecine.
50 pays s'engagent pour des systèmes de santé résilients, mais pas la France
Aujourd’hui, si de nombreux établissements hospitaliers dans l'Hexagone travaillent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre - l'hôpital de Niort a notamment reçu une médaille d'or au niveau international -, aucun n’a encore pris d’engagement de neutralité carbone en 2050. La France n’a d’ailleurs pas signé le "Climate smart health" lancé pendant la COP26 de Glasgow sur le climat pour mettre en place des systèmes de santé capables de résister aux impacts du changement climatique, sobres en carbone et durables. L’initiative a été ralliée par une cinquantaine de pays représentant plus d'un tiers des émissions mondiales des soins de santé. Parmi les signataires, on trouve les Maldives, les États-Unis, ou encore l’Allemagne. La Belgique, l’Espagne et le Royaume-Uni notamment vont plus loin en s’engageant à la neutralité carbone du secteur de la santé entre 2040 et 2050.
"Les engagements pris par ces gouvernements témoignent de la montée en puissance du mouvement mondial en faveur de l’action climatique. Dans le monde entier, des médecins, des infirmiers, des hôpitaux, des systèmes de santé et des ministères de la santé réduisent leur empreinte climatique, deviennent plus résilients et plaident pour une transition juste qui place la santé au centre d’une civilisation décarbonée", a déclaré Josh Karliner, directeur international du programme et de la stratégie chez Health Care Without Harm.
En amont de la COP26, plus de 45 millions de professionnels de la santé avaient signé une lettre demandant instamment aux gouvernements de prendre des mesures plus ambitieuses, notant que les hôpitaux, les cliniques et les communautés du monde entier sont déjà confrontés aux effets néfastes du changement climatique sur la santé.
Concepcion Alvarez @conce1
(1) Lire le rapport du Shift Projet "Décarbonons le secteur de la santé"