Publié le 27 janvier 2023
ENVIRONNEMENT
Maladies infectieuses : le changement climatique tue
Tuberculose, paludisme, le changement climatique va faire progresser ces maladies infectieuses, touchant des populations qui ne sont pas immunisées et qui auront du mal à y faire face, alerte le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. En outre, avec la fonte des glaces, il pourrait faire émerger des virus et provoquer une nouvelle pandémie, à l'instar du Covid-19.

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Les impacts du changement climatique sur la santé commencent à être bien documentés et se révèlent de plus en plus inquiétants. Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme vient ainsi d’alerter sur la progression des maladies infectieuses à cause du changement climatique. 2022 a été le parfait témoin de cette escalade avec la recrudescence du paludisme au Pakistan après les fortes inondations qui ont ravagé le pays l’été dernier.
Les eaux stagnantes ont entraîné des terrains de reproduction favorables aux moustiques, ce qui a provoqué une épidémie de paludisme dans 32 districts à travers le pays. "Alors que la recrudescence du paludisme était jusqu'à présent due à la fréquence croissante et aux ravages des tempêtes tropicales, avec les inondations au Pakistan, le phénomène a pris une toute autre ampleur", a alerté Peter Sand, le directeur exécutif du Fonds mondial. "Le mécanisme par lequel le changement climatique finira par tuer des gens est son impact sur les maladies infectieuses", a-t-il souligné.
Recrudescence du paludisme et de la tuberculose
Certaines parties de l'Afrique qui n'étaient pas touchées par le paludisme deviennent maintenant à risque, car les températures augmentent et permettent aux moustiques de prospérer, notamment en altitude. Or, la population de ces régions ne sera pas immunisée, d'où le risque d'un taux de mortalité plus élevé. "C'est assez alarmant", a affirmé Peter Sands.
D'autres menaces incluent la propagation de la tuberculose parmi le nombre croissant de personnes déplacées dans le monde. "La tuberculose est une maladie qui se développe lorsque des personnes très stressées se concentrent dans un espace restreint, avec une nourriture et un abri inadéquats", a-t-il expliqué. "Plus nous assistons à des déplacements de population dus au changement climatique, plus je pense que cela se traduira par des conditions qui rendront cette maladie au moins plus probable." L'insécurité alimentaire rend en outre les gens plus vulnérables aux maladies.
Quant à savoir si le monde est mieux préparé à la prochaine pandémie qu'il ne l'était pour le Covid-19, le directeur exécutif du Fonds mondial a répondu par l'affirmative, mais a nuancé : "Cela ne signifie pas que nous sommes bien préparés : nous ne sommes tout simplement pas aussi mal préparés qu'avant." Or, le réchauffement climatique pourrait également provoquer un "débordement viral" depuis l'Arctique, où des virus jusqu'ici préservés dans la glace pourraient entrer en contact avec de nouveaux hôtes dans d'autres environnements, selon une étude publiée en octobre dernier.
"Débordement viral" depuis l'Arctique
"La probabilité d'évènements dramatiques reste très faible", selon Audrée Lemieux, de l'Université de Montréal, première autrice de l'étude. Mais selon les chercheurs, le risque pourrait s'accroître avec la poursuite du réchauffement climatique, car de nouveaux hôtes pourraient s'aventurer dans des régions auparavant inhospitalières. "Il pourrait s'agir aussi bien de tiques ou de moustiques ou d'autres animaux, mais aussi des bactéries et des virus", selon Audrée Lemieux. La possibilité d'un débordement est "complètement imprévisible, et ses conséquences aussi, allant d'un caractère bénin jusqu'à une vraie pandémie", a-t-elle ajouté.
En 2016, une épidémie d'anthrax dans le nord de la Sibérie avait tué un enfant et infecté une dizaine de personnes. Elle a été attribuée à une vague de chaleur qui a fait fondre le pergélisol et exposé une carcasse de renne infectée. Avant cela, la dernière épidémie dans la région remontait à 1941. En 2014, des scientifiques du CNRS avaient quant à eux réussi à faire revivre un virus géant qu'ils ont isolé du pergélisol sibérien, le rendant à nouveau infectieux pour la première fois en 30 000 ans.
"La démonstration que des virus enfouis dans le sol il y a plus de 30 000 ans puissent survivre et être encore infectieux suggère que la fonte du permafrost due au réchauffement climatique et l'exploitation minière et industrielle des régions arctiques pourraient comporter des risques pour la santé publique", soulignait à l'époque Jean-Michel Claverie du Laboratoire "Information Génomique et Structurale" (IGS-CNRS Marseille).
Concepcion Alvarez @conce1 avec AFP