Publié le 08 avril 2022
ENVIRONNEMENT
Le changement climatique, évincé de la campagne, reviendra-t-il dans les urnes ?
Les Présidentielles 2022 resteront celles d’un immense décalage entre les attentes de tous ceux qui avaient préparé ce rendez-vous pour mettre à l’agenda de grandes priorités comme le climat, et le contenu des rendez-vous politiques dominés par les sondages. Du dernier rapport du Giec, qui donne trois ans au monde pour prendre les décisions radicales permettant d’éviter la catastrophe climatique, à la guerre en Ukraine qui montre l’impérieuse nécessité de se passer du gaz russe, l’urgence climatique est là. Mais elle n’a été intégrée à la campagne qu’à travers les comparatifs de programmes.

@Aïda Traore
La campagne tourne à vide... Rien n’imprime. Cette petite musique médiatique a pris de l’ampleur et, à 48 heures du scrutin, elle semble annoncer une abstention massive pour un scrutin susceptible de déjouer les sondages. Ils ont pourtant régné en maître pendant plusieurs mois faisant monter et descendre les candidats, proposant même des classements aussi improbables que ce "barbecue test" de l’Ifop, qui fait monter Jean Lasalle sur le podium !
Une étude @IfopOpinion pour @Campingscom révèle que pour 25% des Français, Jean Lassalle serait le meilleur partenaire de grillades au camping, devant E. Macron (18%), M. Le Pen (15%) et J-L Mélenchon (12%) pic.twitter.com/dtYazdSMMU
— Ifop Opinion (@IfopOpinion) April 4, 2022
La campagne n’a quasiment pas abordé la lutte contre le changement climatique. Au total, treize minutes ont été consacrées à la sortie du dernier rapport du Giec sur les trois chaînes qui en ont parlé : France 2, France 3 et Arte. Pourtant, programmer ou non la sortie des énergies fossiles aurait pu devenir LA question des Présidentielles. L’augmentation des prix de l’essence et du gaz, les rapports du Giec, la guerre en Ukraine et les milliards d’euros versés à la Russie de Vladimir Poutine, auraient dû être les étincelles qui enflamment le débat. C’est un sujet éminemment politique. Alors que le Parlement européen vient d’en témoigner en votant en faveur d'un embargo sur toutes les énergies fossiles russes le 7 avril par 413 voix sur 552, les 27 se sont contentés de le limiter uniquement au charbon, avec un impact forcément très réduit.
Notre amendement @GreensEFA pour un #embargo immédiat sur le #GazRusse vient d'être adopté!
Une demande claire du #ParlementEuropéen de cesser les tergiversations et le paiement de €800 millions par jour qui financent la guerre de #Poutine en #Ukraine #SlavaUkrainii #Russie pic.twitter.com/XFb0b0b4at— Mounir Satouri (@MounirSatouri) April 7, 2022
Pourtant l’Affaire du siècle, le collectif des ONG qui luttent activement contre le changement climatique, a tout tenté, des marches climat au Débat du Siècle, que seul Twitch a accepté d'organiser. Mais la mobilisation n'est pas à la hauteur de leurs espérances. C’est faire peu de cas des obligations climatiques qui attendent le prochain locataire de l’Élysée. Le futur gouvernement devra répondre aux deux condamnations pour inaction climatique prononcées par le Conseil d’État.
Programme climatique chargé
La première concerne la plainte de la commune de Grande-Synthe (Nord) qui s’estime menacée par la montée du niveau de la mer. Le conseil d’État avait donné trois mois au gouvernement pour "prendre toutes les mesures utiles" afin de ramener les émissions de gaz à effet de serre à un niveau compatible avec les objectifs de la France, soit une baisse de 40 % d’ici à 2030 par rapport à celles de 1990. L’injonction courait jusqu’au 31 mars dernier. En l’absence de réponse, les plaignants vont à nouveau saisir le Conseil d’État pour imposer une astreinte financière à l’État.
L’autre date à entourer de rouge sur le calendrier du futur président de la République est le 31 décembre prochain. C’est la date butoir donnée par le Conseil d’État dans le cadre de l’Affaire du Siècle pour mettre fin à son inaction climatique et réparer le préjudice écologique causé par le non-respect de ses engagements climatiques. Il s’agit d’éviter l'émission de 15 millions de tonnes de gaz à effet de serre, ce qui correspond au dépassement de son premier budget carbone (2015-2018), selon les estimations des juges. Les ONG de l’Affaire du siècle, ont comparé les programmes des candidats, et estiment que seuls deux candidats seraient à même de sortir la France de l’illégalité : Yannick Jadot (EELV) et Jean-Luc Mélenchon (LFI).
Enfin, le programme législatif lié au climat sera chargé. D’ici l’été 2023, conformément à la Loi Climat et Résilience, la future Stratégie française sur l'énergie et le climat (SFEC) permettant d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et de s’adapter aux impacts du changement climatique devra être publiée. Elle doit comprendre la toute première Loi de programmation énergie climat (LPEC), la troisième édition de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), du Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) et de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 2024-2033). Cela aurait été utile d’y associer les Français en en faisant un thème de campagne majeur. Pour la campagne c’est trop tard. En revanche pour le mandat, tout commence !
Anne-Catherine Husson Traore, @AC_HT, directrice générale de Novethic et Concepcion Alvarez @conce1