Publié le 03 novembre 2023
ENVIRONNEMENT
Grossesses sous 40°C, pollution, maladies... L'angle mort des droits sexuels des femmes, menacés par la crise climatique
Accès restreint aux soins et à la contraception, aggravation des violences sexistes, multiplication des risques liés à la grossesse… Dans le monde entier, la crise climatique menace la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes. Pourtant, selon une analyse du Fonds des Nations unies pour la population, à peine plus d’un tiers des pays signataires de l’Accord de Paris intègre cet enjeu dans leurs plans nationaux de lutte contre la crise climatique.

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Les femmes sont les premières victimes de la crise climatique. Facteurs d’inégalités, les températures extrêmes, la hausse du niveau des mers ou encore la multiplication des catastrophes naturelles bouleversent l’accès à des besoins élémentaires comme l’eau potable ou l’éducation, mais affectent également la santé des femmes. Dans un monde en plein dérèglement climatique, leurs droits sexuels et reproductifs sont particulièrement menacés, tandis que les violences sexistes et sexuelles et les pratiques néfastes comme les mutilations génitales féminines gagnent du terrain.
Afin de mieux prendre en considération cet enjeu majeur, le Fonds des Nations unies pour la population (Unfpa) a examiné pour la première fois l’intégration de la santé sexuelle et reproductive dans les contributions déterminées au niveau national, prévues dans le cadre de l’Accord de Paris, de 119 pays. Résultat, seuls 38 pays, soit un à peine plus d’un tiers des signataires, incluent les questions relatives aux droits sexuels et reproductifs dans leurs plans de lutte contre la crise climatique. La santé maternelle et néonatale, ainsi que les violences sexistes arrivent en tête des aspects les plus mentionnés. Les pratiques néfastes sont abordées par un pays seulement, tandis que les impacts liés à l’avortement sont complètement absents.
Les chaleurs extrêmes, une menace pour la grossesse
Pourtant, "la crise climatique n'est pas neutre du point de vue du genre. Dans les pays les plus exposés, les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée, même si ce sont elles qui ont le moins contribué à l'urgence climatique mondiale", souligne le Dr Natalia Kanem, directrice exécutive de l'Unfpa. Pollution atmosphérique, insécurité alimentaire, accès restreint aux produits d’hygiène menstruelle et à la contraception, propagation accrue de maladies, déshydratation… Nombreux sont les facteurs, aggravés par le changement climatique, pouvant mettre en péril la santé des femmes et de leurs enfants.
L’impact de la hausse des températures sur la grossesse, par exemple, a fait l’objet de plusieurs études. Selon un rapport publié en 2020 par le National Bureau of Economic Research, l'exposition à des chaleurs extrêmes au cours du premier trimestre augmente la probabilité d’hospitalisations liées à une hémorragie, une infection ou encore un accouchement précoce. D’autre part, une analyse menée en 2017 démontre que "l’augmentation d'un degré Celsius durant la semaine précédant l'accouchement correspond à une probabilité accrue de six pour cent de mortinatalité", c’est-à-dire la naissance d’un nourrisson sans signe de vie après 28 semaines de grossesse.
Seuls 13 pays proposent des politiques d’adaptation
La montée du niveau des mers, engendrant une augmentation de la salinité de l’eau, peut aussi altérer la santé reproductive. Au Bangladesh, des milliers de femmes souffrent de graves pathologies et de problèmes d’infertilité causés par la teneur en sel trop importante des eaux avec lesquelles elles sont en contact et qu’elles consomment, rapporte NBC News au cours d’un reportage dans le district de Satkhira. Les catastrophes climatiques sont aussi à l’origine de conséquences indirectes sur la santé des femmes, perturbant l’accès aux installations sanitaires et aux services de soin. En 2013, le passage du typhon Haiyan aux Philippines a ainsi provoqué de nombreux dégâts sur les infrastructures de santé, privant les femmes enceintes de soins prénatals durant un mois.
Si l'Unfpa considère les résultats de son rapport comme "prometteurs", il invoque une meilleure prise en compte des "facteurs structurels d'inégalité et de discrimination qui s'entrecroisent avec les impacts du changement climatique", ainsi qu’à la mise en place rapide de plans d’adaptation. Selon l’agence onusienne, actuellement seuls treize pays sur 119 envisagent ou incluent des politiques permettant d’assurer des systèmes de santé résistants au climat, de renforcer l’accès à la contraception ou de lutter contre les violences sexistes. À quelques semaines de l’ouverture de la COP28, et alors que la conférence sur le climat devrait placer au cœur des discussions la question de la santé, le Fonds des Nations unies pour la population appelle les pays à "consacrer 1% de leur budget climat à la santé et aux droits sexuels et reproductifs".