Publié le 27 février 2023
ENVIRONNEMENT
Baisse des effectifs, dissolution... les risques qui pèsent sur les organismes climatiques
Les salariés de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire prévoient une nouvelle journée de grève le 28 février. Ils protestent contre le projet de fusion de l’IRSN au sein de l’Autorité de sûreté nucléaire, craignant une confusion entre recherche et décision. D’autres organismes liés au climat, comme Météo France ou le Cerema, ont connu des réorganisations ces dernières années, essentiellement des baisses d'effectifs à l'heure où l'adaptation au changement climatique est primordiale.

@Thomas Samson via AFP
Ils se sont donnés une nouvelle date pour manifester leur mécontentement. L’intersyndicale des salariés de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) prévoit un nouveau jour de grève le 28 février, huit jours après leur manifestation devant le ministère de la Transition écologique. Le gouvernement a en effet annoncé début février la fusion de l’IRSN avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). La réforme de ces organismes doit être introduite sous forme d’un amendement au projet de loi sur l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires, qui doit être présenté début mars.
Pour le ministère de la Transition énergétique, il s’agit bien de permettre de développer rapidement de nouvelles capacités nucléaires, afin d’assurer une production d’électricité décarbonée en France. Cette réforme doit donc renforcer les moyens d’action de l’ASN, l’autorité chargée de prendre les décisions sur la sûreté nucléaire qui peut, par exemple, ordonner la mise à l’arrêt d’une centrale nucléaire. L’IRSN a pour mission, quant à lui, de fournir l’expertise nécessaire permettant à l’ASN de prendre ses décisions. L’intégration des équipes de l’IRSN doit permettre de fluidifier les processus de prise de décision.
Une distinction entre expertise et décision
Les dirigeants des deux organismes doivent désormais travailler sur des propositions de mise en œuvre de la fusion. Plusieurs chantiers les attendent, relatifs au mode de transfert des missions, aux conditions de travail des salariés et à l’attractivité de leurs métiers, ou encore aux évolutions réglementaires nécessaires. Le rapport est attendu pour le mois de juin.
Plusieurs inquiétudes ont toutefois été soulevées suite à l’annonce de la fusion, soulevées par Jean-Christophe Niel, le directeur général de l’IRSN dans son audition par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, un organe commun à l’Assemblée nationale et au Sénat. "Il me paraît incontournable dans le nouveau système à venir de maintenir une distinction très claire entre expertise et décision, y compris dans une même organisation, à l’instar de ce qui peut se faire aux États-Unis. La NRC, l’autorité nucléaire américaine, a ainsi des règles très strictes qui régissent les échanges entre les personnels chargés de l’expertise et les personnels chargés de la décision", prévient-il.
Les salariés de l’IRSN s’inquiètent par ailleurs de la rapidité de la décision d’intégrer l’IRSN au sein de l’Autorité de sûreté nucléaire. Dans une lettre commune, les trois syndicats de l’institut (CFDT, CFE-CGC, CGT) expliquent que la réforme est "vécue comme une trahison et ressentie comme une critique de notre travail quotidien". Ils alertent ainsi sur le fait que la réforme fait courir le risque d’un "déclin de son attractivité (manque de candidats, démissions". Une crainte relayée là-encore par Jean-Christophe Niel devant les parlementaires. "Dans un marché de l’emploi tendu, je vais être très vigilant pour préserver l’attractivité de nos missions, assure-t-il. Il s’agit d’éviter une perte de compétence en radioprotection et en sûreté à court et moyen terme."
Renforcer l’adaptation au changement climatique
D’autant que la réforme de l’IRSN suit des réorganisations dans plusieurs autres organismes publics liés au climat, mais plutôt sur le volet de l’adaptation au changement climatique. Météo-France, le Cerema (Centre d’études et d’expertises sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), l’ONF… tous ont vu leurs effectifs baisser ces dernières années. Une étude de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) évalue à 1,3% par an depuis 2014 la diminution du nombre de salariés de ces organismes.
L’enchaînement d’événements climatiques d’ampleur, dont l’épisode de sécheresse hivernale en cours, semble toutefois pousser le gouvernement à reprendre en main le sujet de l’adaptation. Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, a annoncé le 23 février une nouvelle politique d’adaptation au changement climatique, avec la création d’un comité interministériel sur le sujet. Celui-ci doit travailler sur l’adaptation selon plusieurs scénarios de réchauffement, dont un à +4°C, en améliorant la coordination entre les acteurs publics dépendant du ministère (Ademe, Météo-France, Cerema, etc.).