Publié le 27 mars 2015
ENVIRONNEMENT
La commande publique des villes : un outil contre le changement climatique
Dans une déclaration signée le 26 mars 2015 à Paris, une trentaine de villes européennes prévoit de grouper leurs achats "verts". Le but ? Inciter les industriels, par un effet d’échelle, à étoffer leur offre de technologies faiblement carbonées. Le C40, qui regroupe de grandes métropoles à travers le monde, réfléchit aussi à des commandes groupées du même type.

Eric Feferberg / AFP Photo
Les villes concentrent aujourd’hui la moitié de la population mondiale. En 2050, elles devraient en accueillir les deux tiers. C’est dire si elles ont un rôle majeur à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique.
C’est tout le sens de la Déclaration pour le climat adoptée le 26 mars par une trentaine de villes européennes (Paris, Berlin, Rome, Amsterdam, Bucarest, Lisbonne, Dublin, Lyon…) réunies dans la capitale française. Le texte précise qu’elles représentent plus de 60 millions d’habitants... et 2 000 milliards d’euros de produit intérieur brut. Les villes y affirment leur volonté de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici à 2030, un objectif identique à celui fixé au niveau de l’Union européenne.
Encourager une offre de technologies "propres"
Autre point majeur de cette déclaration signée à l’initiative de Paris : le projet de mutualiser les commandes publiques des villes européennes. Objectif : encourager les industriels à développer leur offre de technologies sobres en carbone.
Ces achats verts groupés visent "les transports, les bâtiments anciens ou mal isolés, l’approvisionnement en énergie ou la valorisation des déchets", indique la déclaration. Dans un premier temps, les achats concerneront des bennes à ordures ménagères (BOM), des véhicules municipaux électriques ou hybrides et de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables.
"La coopération active des villes européennes dans le domaine de l’achat public vert, lorsqu’elle est possible, se fera dans le cadre d’un dialogue étroit et transparent avec le secteur privé", ajoute-t-elle.
Aussi, plusieurs entreprises ont été conviées à déjeuner avec les maires le 26 mars. Ce fut le cas des énergéticiens EDF et GDF Suez, les constructeurs automobiles Renault et Scania, le fabricant de pneus Michelin ou encore les acteurs de l’eau et de la propreté Veolia et Suez Environnement. Le spécialiste des solutions de stockage d’électricité Bolloré, le groupe de communication extérieure JCDecaux et Lampogas (le propriétaire du fabricant du matériel de nettoyage de voirie Dulevo) étaient également présents.
Car pour ces entreprises, la démarche des maires leur simplifierait beaucoup la tâche. Et augmenterait leurs débouchés. "Des commandes groupées entre métropoles européennes constitueraient pour nous une opportunité car elles nous éviteraient de devoir présenter notre offre en one to one, démarche de longue haleine", explique une porte-parole de Bolloré. "Cela va permettre de créer des synergies, de faire en sorte que les municipalités européennes profitent des expériences faites par les autres", souligne de son côté un porte-parole de Scania. "En outre, de plus grands volumes de commandes permettront d’abaisser le prix des technologies bas carbone, ce qui profitera aux collectivités", ajoute-t-il.
Le projet d’achats groupés "est ambitieux et nécessitera un important ajustement technique et juridique", a précisé Anne Hidalgo, maire de Paris, Anne Hidalgo. La déclaration appelle donc les États membres de l’UE à transposer au plus vite la directive européenne du 26 février 2014 encourageant le groupement de commandes publiques entre municipalités européennes. Venu saluer l’initiative des villes, le président François Hollande s’y est d’ailleurs engagé pour ce qui concerne la France.
Un projet d’achats groupés entre métropoles au niveau mondial
Des commandes groupées entre villes européennes sont déjà possibles, a assuré Anne Hidalgo. Paris, Rome et Bruxelles en préparent d'ailleurs une pour l’acquisition de bennes à ordures ménagères de 12-16 tonnes.
Chaque année, Paris achète 30 nouvelles bennes à ordures au gaz naturel, d’un coût unitaire de 120 000 euros. En incluant tous les équipements, cette commande représente environ 4,5 millions d’euros par an. La mutualisation des achats entre villes doit permettre d’obtenir un effet d’échelle et de dépasser les petites séries.
L’initiative n’est pas cantonnée au niveau européen. Ce vendredi 27 mars, le maire de Rio Eduardo Paes lance à Buenos Aires un programme d’achats groupés des membres du C40 (le réseau des grandes métropoles mondiales engagées dans la lutte contre le réchauffement climatique).
D’autres initiatives des villes, et plus largement des collectivités locales, sont attendues d’ici la fin de l’année dans le cadre de la Conférence de Paris sur le climat. Elles figureront aux côtés de celles des entreprises et investisseurs dans l’Agenda des solutions, qui regroupe les initiatives des acteurs non-étatiques. Par ailleurs, un sommet des gouvernements locaux pour le climat sera organisé du 4 au 7 décembre à l’Hôtel de Ville de Paris en marge de la COP21. "1 000 maires seront présents", a assuré Anne Hidalgo.