Publié le 11 janvier 2024
La facture des catastrophes climatiques ne cesse de s’alourdir. Au point de faire craquer le système d’indemnisation français, basé sur une prise en charge à 50% par la Caisse centrale de réassurance et sur une garantie de l’État. Le gouvernement vient de décider d’une augmentation de la surprime sur les contrats d’assurance qui alimente ce régime en déficit constant depuis plusieurs années. Mais elle risque d’être insuffisante face à l’augmentation de l’intensité et de la fréquence des événements climatiques.

Les inondations à répétition que connaît le Pas-de-Calais commencent à coûter cher. En novembre, alors qu’au moins 265 communes du département ont été placées en état de catastrophe naturelles, le coût des sinistres s’était élevé à 550 millions d’euros, pris en charge par les assurances et par la Caisse centrale de réassurance (CCR), l’organisme qui gère le régime "cat nat" français. Le nouvel épisode de crues importantes du début du mois de janvier, qui a valu un premier déplacement de Gabriel Attal en tant que Premier ministre, devrait encore renchérir la facture.
Au point de faire craquer le régime français d’indemnisation des catastrophes naturelles. Sous pression depuis plusieurs années en raison de l’augmentation de la fréquence des événements climatiques, la Caisse centrale de réassurance n’arrive plus à faire face et se trouve en situation de déficit depuis 2016, exception faite de l’année 2021. Ces derniers temps, elle a dû puiser dans ses réserves pour rester à l’équilibre. "Dans un régime d’assurance, et particulièrement pour des risques extrêmes, cela devrait être l’inverse, avec des années excédentaires permettant de faire des réserves pour faire face à des sinistralités importantes", souligne à Novethic Antoine Quantin, directeur adjoint des réassurances et fonds publics de CCR. Ces derniers temps, CCR a justement dû puiser dans ses réserves et faire régulièrement jouer la garantie de l’État.

Retour à l’équilibre prévu du régime cat nat


Pour tenter de renflouer le régime cat nat, le gouvernement a pris une mesure express en fin d’année 2023 visant à augmenter la cotisation obligatoire qui l’alimente. L’arrêté publié le 28 décembre prévoit de relever le taux de cotisation "catastrophes naturelles" prélevé sur les contrats d’assurance habitation de 12% à 20% à partir du 1er janvier 2025, et de 6 à 9% sur les contrats d’assurance automobile. De quoi remettre le système à l’équilibre, avec de l’ordre de 1,2 milliard d’euros supplémentaires par an alloué au régime. Mais aussi de reconstituer progressivement les réserves.
Pas sûr pour autant que cela suffise à couvrir les conséquences de plus en plus intenses de la crise climatique. CCR a modélisé son impact sur le coût des catastrophes naturelles à horizon 2050, à partir des données de Météo France. "Quel que soit le scénario envisagé, on peut anticiper une hausse des dommages", constate Antoine Quantin. Le coût des inondations devrait ainsi augmenter de 15% d’ici 2050. Mais c’est surtout celui de la sécheresse, et particulièrement son effet sur le retrait-gonflement des argiles qui menace de détruire des habitations, qui inquiète le monde de l’assurance. De 400 millions d’euros en moyenne par an dans les années 2000, il coûte aujourd’hui 1 milliard d’euros en moyenne au secteur de l’assurance. Et ce coût devrait encore augmenter de 83% d’ici 2050.

Accélérer sur la prévention et l’adaptation


La couverture "cat nat" n’arrivera pas à suivre. "Il faudra sans doute ajuster par la suite le taux de la surprime régulièrement, alors qu’il n’avait pas bougé depuis plus de 20 ans, sinon on retrouvera la même problématique", remarque Antoine Quantin. Mais c’est aussi sur la prévention et l’adaptation des biens aux événements climatiques qu’il faut agir. Des leviers encore largement sous-exploités.
Le gouvernement a commandé en mai 2023 un rapport sur l’assurabilité des risques climatiques devant faire des propositions pour améliorer la prévention et l’adaptation, deux thématiques très embryonnaires mais capitales pour la résilience des biens. La profession est aujourd’hui suspendue aux conclusions de ce rapport, qui devrait entraîner une discussion sur des mécanismes favorisant l’adaptation aux événements climatiques.
Aujourd’hui, les collectivités locales sont souvent au premier rang pour mettre en place les dispositifs d’aide à la prévention et l’adaptation, sans grand succès. Les pistes sont nombreuses, avec peut-être une plus grande intervention des assureurs sur la prévention étant donné leur contact direct avec les particuliers, ou encore la mise en place de dispositifs publics simples et accessibles d’aide à l’adaptation.
Arnaud Dumas

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