Publié le 23 juillet 2019
ENVIRONNEMENT
Greta Thunberg à l’Assemblée : les députés face à la science
"Prix Nobel de la peur", "prophétesse en culottes courtes", "gourou apocalyptique"... face à la polémique qu'a entraîné sa venue à l'Assemblée nationale, Greta Thunberg ne s'en est tenu qu'aux faits scientifiques. Son discours, étayé par celui de la climatologue membre du Giec, Valérie Masson-Delmotte, a été suivi par plus de 170 parlementaires appelés à ratifier ou non le Ceta dans l'après-midi.

@capture d'écran / LCP
"420 gigatonnes de CO2, 420 gigatonnes c’est tout ce qui nous restait à émettre au 1er janvier 2018 pour avoir 67 % de chances de rester sous un réchauffement global de 1,5°C d’ici la fin du siècle". Voilà ce qu’est venue dire Greta Thunberg aux parlementaires français. À quatre reprises, la Suédoise de 16 ans, devenue en quelques mois l’égérie de la lutte contre le changement climatique, a répété ce chiffre issu du rapport du Giec, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. À titre de comparaison, le monde émet chaque année 42 gigatonnes. Résultat: "Ce budget carbone sera épuisé dans huit ans et demi", au plus tard, prévient la lycéenne. Car les émissions annuelles augmentent encore...
Invitée par le collectif transpartisan de députés "Accélérons la transition écologique et solidaire" à l’initiative de Matthieu Orphelin (ex-LREM), Greta Thunberg est intervenue devant 170 parlementaires - de tous les bords, à l'exception du Rassemblement national - réunis dans la salle Victor Hugo, l’une des plus grandes du Palais-Bourbon. La rencontre avait pour objet des échanges croisés entre jeunes, élus et scientifiques, représentés à la tribune par Valérie Masson-Delmotte, climatologue et vice-présidente du Giec.
Des chiffres scientifiques, incontestables
Habituée des phrases chocs – on se souvient du "je veux que vous paniquiez !" lancé devant les dirigeants du monde entier réunis à Davos – Greta Thunberg s’en est cette fois strictement tenue aux faits scientifiques. Une façon de répondre aux nombreuses attaques dont elle fait l’objet depuis trois jours, certains députés LR – Guillaume Larrivé et Julien Aubert, en campagne pour la présidence du parti - ayant appelé au boycott de la "jeune prêtresse du climat".
"Ces chiffres sont incontestables" et encore bien trop peu repris par les médias ou les dirigeants politiques et économiques, souligne celle qui a initié le mouvement de grève des jeunes à travers le monde. "Peut-être que vous n’avez pas lu le dernier rapport du Giec sur lequel se fonde l’avenir de notre civilisation ou bien est-ce que vous n’êtes pas assez mûrs pour l’accepter". Greta Thunberg poursuit sous les d’applaudissements d'un public qui semble acquis.
"Nous devenons les affreux simplement parce que nous citons ces faits scientifiques. Nous sommes l’objet de moqueries, d’insultes et de mensonges. Mais, à tous ceux-là, j’aimerais leur demander s'ils ont un budget carbone différent pour avoir une chance de rester sous 1,5°C. Est-ce qu’il existe un autre GIEC ? Un accord de Paris secret que nous ne connaissons pas ? Ce sont les chiffres fondés sur la science qui comptent. Si vous les ignorez, les gens ne peuvent pas savoir ce qu’il est en train de se passer".
"Greta ou Ceta, il faut choisir"
"Le plus grand danger n’est pas d’être inactif mais c’est que les politiques et les entreprises fassent semblant d’agir." Nouveaux applaudissements nourris de la salle. "Certains ont choisi de ne pas nous écouter, de ne pas venir. Ce n’est pas grave, nous ne sommes que des enfants. Par contre, vous avez le devoir d’écouter les scientifiques. C’est tout ce que nous vous demandons, unissez-vous derrière les scientifiques".
Pour étayer ces propos, la chercheuse Valérie Masson Delmotte a conclu le tour de table, après la prise de parole de trois jeunes Français du mouvement Youth for Climate, représentant cette nouvelle génération mobilisée sur le climat. "Merci au mouvement de la jeunesse de me permettre de m’exprimer devant vous", a souligné la scientifique mettant l'accent sur le fait qu'avant cette intervention, elle n’avait pas encore été invitée à l’Assemblée pour évoquer le rapport du GIEC sur 1,5°C de réchauffement planétaire, rendu il y a neuf mois."Vous, les députés, vous avez plus de leviers d’actions que n’importe quel citoyen, a-t-elle tenu à préciser. Un monde à 1,5°C n’est pas complètement impossible mais la volonté politique et citoyenne sont essentielles".
Reste à savoir si cela aura permis une prise de conscience des élus. "Greta ou Ceta : il faut choisir", a ainsi lancé le député François Ruffin de La France insoumise. Hasard du calendrier, le vote sur la ratification du traité de libre-échange avec le Canada est en effet prévu dans l’après-midi même. Présente également dans la salle, Brune Poirson, la secrétaire d’État à la Transition écologique, a exhorté les jeunes à ne rien lâcher. "Vous nous poussez dans le 21e siècle alors qu’il y beaucoup de forces qui nous poussent à rester dans le 20e siècle quand on est aux responsabilités".
Concepcion Alvarez @conce1