Publié le 22 avril 2022
ENVIRONNEMENT
Urgence climatique : Les médias sous pression pour mieux traiter les enjeux écologiques
À Paris, à Londres et aujourd'hui à New York, les grands groupes de presse sont épinglés par des militants écologistes sur le traitement médiatique du climat. Si cette pression, nécessaire, peine encore à porter ces fruits, pour certains activistes elle est aujourd'hui contre-productive. Pour réussir, il faut "créer de nouveaux imaginaires", sortir du rôle de lanceur d'alerte et porter une vision plus politique et désirable, disent-ils.

STEPHANIE KEITHGETTY IMAGES NORTH AMERICA Getty Images via AFP
C’est à minuit que les activistes américains d’Extinction Rebellion (XR) ont lancé l’assaut. Les militants ont bloqué, à New York, les imprimeries de deux des plus grands journaux états-uniens : le Wall Street Journal et le New York Times. Un acte de désobéissance civile pour dénoncer la couverture médiatique de l’urgence climatique jugée trop faible. "Les entreprises médiatiques américaines doivent se rappeler leurs responsabilités - réveiller, informer et inciter les gens à agir. (...) Cela inclut une couverture plus importante de l'urgence climatique et écologique à la une des journaux", explique XR NYC sur Twitter.
#BREAKING - Extinction Rebellion blockade at @nytimes @WSJ printing plant now to call out major US newspapers for failing to cover the climate emergency with the frequency it deserves. pic.twitter.com/oZw7g1q9S4
— Extinction Rebellion NYC (@XR_NYC) April 22, 2022
Ce n’est pas la première fois que des journaux sont la cible de militants écologistes. En 2018, à Londres, ville berceau d’Extinction Rebellion, les activistes avaient ciblé la BBC et le Guardian. Ce dernier a d’ailleurs fait évoluer son traitement médiatique du climat depuis cette interpellation. En France, c’est en février dernier que l’action la plus percutante a été menée. Les militants se sont réunis devant les locaux de France Télévisions pour interpeller les rédactions. Une action menée avec d’autres organisations comme Greenpeace, Care France ou Youth for Climate scandant un chiffre : 2,7 %. Soit le temps de parole des débats présidentiels accordés à la crise climatique au 22 février.
Former les journalistes
"Il faudrait un tronc commun, dans la formation des journalistes, sur les enjeux écologiques pour faire bouger les lignes", appelle Eva Morel, cofondatrice du jeune collectif Quota Climat. En 2019, Reporters d'espoir avait calculé que seulement 3,80 % des sujets de la presse quotidienne nationale évoquaient le climat. Dans les matinales radio, le taux tombait à 1 % en moyenne. Si la campagne du premier tour a été très faiblement tournée vers les enjeux écologiques en raison notamment de la guerre en Ukraine, la mobilisation de Quota Climat, qui réclamait au moins 20 % du temps du débat de l’entre-deux tours consacré au climat a permis de faire progresser le sujet. "Il y a eu du progrès c’est indéniable. 17 minutes du débat Macron-Le Pen étaient consacrées au "climat" contre quasiment rien aux dernières élections mais c’est largement insuffisant !", dénonce Eva Morel.
Si la pression s’alourdit sur les rédactions, le faible score des écologistes aux Présidentielles avec moins de 5 % pour Yannick Jadot, a poussé certains mouvements à reconsidérer leur "ligne". "Les actions coups de poing dans les médias n’ont pas porté leurs fruits, c’est évident", concède Franck, l’un des porte-parole d’Extinction Rebellion France. Au sein du mouvement, deux lignes se dessinent. Celles et ceux qui veulent continuer à donner l’alerte, à mettre la pression sur les médias notamment et les autres, pour qui l’alerte a déjà été donnée en 2019 avec Greta Thunberg et Friday's For Future, et qui militent aujourd’hui pour construire de nouveaux récits.
"L'écologie, ce n'est pas vendre des chaudières"
"Aujourd’hui, ces actions semblent contre-productives. Il faut créer de nouveaux imaginaires comme le dit Cyril Dion, penser de nouvelles manières de s’organiser, de vivre ensemble. Le rapport du GIEC a été évoqué par quelques médias mais cela reste très technique, ça ne se traduit pas dans la vie quotidienne. Si on veut une couverture médiatique plus importante, il faut rentrer dans l’imaginaire. L’écologie ne peut pas se résumer, comme l’a dit Sandrine Rousseau à 'vendre des chaudières'", avance Franck.
Dans cette perspective, Eva Morel de Quota Climat, appelle à développer davantage le journalisme de solutions. En attendant, le collectif va faire pression sur l’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel, l’ancien CSA, pour qu’il publie un guide des bonnes pratiques sur les enjeux climatiques à destination des journalistes comme il l’a fait sur les questions de parité.
Marina Fabre Soundron @fabre_marina