Publié le 25 avril 2016
ENVIRONNEMENT
De New York à Paris, quelle cohérence environnementale pour la France ?
Vendredi à New York, François Hollande s’est posé en héraut de la lutte contre le changement climatique, lors de la cérémonie de signature de l’Accord de Paris. Mais si, à l’international, la position de la France est auréolée du succès de la COP21, elle est plus difficile à tenir à domicile, où le gouvernement est accusé par les ONG d’un manque de cohérence et d’ambition environnementales. Le grand écart est d’autant plus criant que la dernière conférence environnementale de son mandat se tient aujourd’hui et demain, dans l’indifférence quasi générale.

Jacky Naegelen / AFP
A New York vendredi, lors de la signature de l’Accord de Paris, la France, en tant que pays hôte de la COP21 où a été adopté le texte, avait droit à tous les honneurs."Le temps presse. Nous devons aller plus loin même que les promesses qui ont été faites, que les engagements qui ont été pris et faire que nos déclarations deviennent des actes", y déclarait ainsi François Hollande.
Changement de ton ce matin, à la conférence environnementale, la dernière de sa mandature. Certes, l’enthousiasme des mots est toujours le même dans le discours du Président. Celui-ci a notamment réitéré son ambition de mettre la France aux avants postes de la lutte contre le changement climatique en fixant unilatéralement pour l'Hexagone un prix plancher du carbone sur l'électricité - sans en définir toutefois le prix - dont les modalités seront précisées cette année. Une mesure symbolique puisque la France ne compte que 5 centrales à charbon mais qui envoie un signal fort aux autres pays.
Le président de la République a également demandé à l'AFD (Agence française du développement), la Caisse des dépôts et BPIFrance (Banque publique d'investissement), de développer les green bonds (obligations vertes) pour mieux flécher les investissements vers la transition énergétique et écologique. Et annoncé que l'Etat lui-même pourrait "sur une échéance très longue porter un instrument financier dédié à la transition". Une première pour un pays. Là encore, il faudra patienter avant de connaitre les modalités de ces émissions souveraines, le temps de définir les critères (selon les principes dégagés pour les entreprises par la Climate bonds Initiative ou les Green bonds principles par exemple).
Mais face à ces quelques annonces, l'auditoire parisien du chef de l'État lui est bien moins acquis que celui de New-York.
La succession, rapprochée, des deux évènements devait pourtant permettre de "relier son action au niveau international, qui été saluée unanimement dans le monde entier, et au niveau national", déclarait son entourage peu avant la cérémonie américaine.
Un rendez-vous manqué
L’occasion a été manquée. Pas seulement ici mais dans tout le quinquennat, lui opposent pourtant les ONG. Leur bilan est aujourd’hui amer. "Signer un accord ne suffit pas, il faut le mettre en mesure ! Or le compte n’y est pas", tranche Lorelei Limousin, responsable des politiques Climat et Transports du Réseau Action Climat France.
Tant et si bien que certaines organisations ont songé à boycotter la conférence. La CGT, elle, a franchi le pas, dénonçant une "opération d’affichage et de communication", ne permettant pas de "répondre aux enjeux environnementaux et climatiques", ni "même de tenir les engagements pris à la COP21". Elle en veut notamment pour preuve l’absence de tables rondes sur les Transports et l’Énergie, deux enjeux pourtant primordiaux pour le climat.
Deux dossiers qui fâchent aussi. Et qui ont pour symboles respectifs Notre Dame des Landes (NDDL) et la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
Notre-Dame des Landes et la PPE, deux dossiers symboliques qui fâchent
Le premier dossier, celui de l’aéroport qui doit être construit près de Nantes, n’en finit pas de s’enliser. Malgré les dernières propositions mises sur la table, comme la tenue d’un référendum le 26 juin, Notre-Dame des Landes reste "le symbole des errements de ce gouvernement et ce mandat est un grand rendez-vous manqué", déplore Denez l’Hostis, le président de France Nature Environnement (FNE). La crispation est telle qu'à l'ouverture de la conférence environnementale, Les Amis de la Terre et les opposants à Notre-Dame-des-Landes qui manifestaient pacifiquement devant l'Élysée se sont vus refuser l'entrée ... malgré leur carton d'invitation. Et au sortir du discours présidentiel, malgré l'implication annoncée de la Commission nationale du débat public, une instance indépendante, "on ne sait toujours pas sur quel projet les électeurs du référendum vont devoir se prononcer : celui d'une piste soutenu par Ségolène Royal ou celui, initial, de 2 pistes", souligne Pascal Canfin, le directeur général du WWF France.
L’autre grand sujet de crispation du moment, la PPE, est tout aussi symbolique. "C’est le principal outil de la loi de programmation de la transition énergétique, qui est considérée comme la contribution nationale de la France à l’Accord de Paris. Or, il n’y a pas eu de comité de suivi depuis des mois ! Nous attendons le plus vite possible une PPE complète et cohérente avec l’objectif de la loi. C’est-à-dire indiquant les moyens et outils adaptés pour réduire la consommation énergétique de 20% en 2030, la fermeture d’un certain nombre de réacteurs nucléaires et le triplement du rythme d’installation des panneaux solaires et des éoliennes", souligne Denis Voisin, le porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot (FNH).
Pour l’heure, la programmation pluriannuelle de l’énergie est livrée en kit. Seule la partie portant sur les énergies renouvelables, qui leur donne une part de 40% dans le mix électrique à horizon 2023, a été publiée. La totalité - c'est à dire avec une deuxième partie consacrée au nucléaire - devrait être publiée pour consultation avant le 1er juillet pour une adoption à l'automne, a assuré François Hollande.
Quant à Fessenheim, l'arrêté abrogeant son exploitation sera bien présenté dans l'année, mais ce sera bien à EDF de choisir quels réacteurs fermer. Rien de très nouveau donc sur ce sujet, et donc pas de quoi satisfaire les ONG comme FNE qui distribuait ce matin des pastilles d'iode dans la salle où se tenait le discours présidentiel. "De quoi rappeler que 30 ans après Tchernobyl (le 26 avril 1996, NDLR), toutes les leçons n'ont pas été tirées de l'accident", soulignait Benoît Hartmann, le porte-parole de l'association.
Flou sur la biodiversité et la fiscalité écologique
Sur les autres sujets poussés par les ONG, pas de grandes annonces majeures non plus. Celles-ci demandent une meilleure prise en compte d’une biodiversité "qui se meurt" selon Alain Bougrain Dubourg, le président de la LPO. Le président a seulement annoncé des "moyens, en personnel supplémentaire et en crédits d'intervention" pour l'Agence française de la biodiversité, qui sera "opérationnelle le 1er janvier 2017".
Concernant l’arrêt de l’exploration des hydrocarbures en France, les ONG le voulait immédiat sachant que "pour respecter l’objectif d’un réchauffement de la planète limité à 2°C, nous devons laisser 2/3 des réserves connues de combustibles dans le sol", rappelle Pascal Canfin, le directeur général du WWF France. François Hollande n'a fait qu'appuyer ce qu'avait déclaré la ministre de l'Environnement plus tôt dans le mois sur le sujet.
Sur le sujet de la fiscalité écologique, "encore trop déconnectée des objectifs de la transition énergétique" selon Lorelei Limousin, aucune annonce n'a été faite sur l'accélération d'une hausse de la contribution climat énergie que les ONG voulaient voir grimper dès l'an prochain à 40€ la tonne (au lieu des 30,50 € prévu) pour profiter des bas prix du pétrole. Seule nouveauté, la phase 3 du Plan d'investissement d'avenir (PIA 3) sera dotée de 10 milliards d'euros, dont les deux tiers iront à la transition énergétique et écologique.
"Nous avons le sentiment que la France a une belle stratégie mais pas de business plan. Ce qui est rarement couronné de succès", résume Pascal Canfin.