Publié le 01 novembre 2018

ENVIRONNEMENT

Les Français optent de plus en plus pour la crémation, mais est-ce vraiment plus écolo ?

[Mise à jour le 29 octobre 2018] 63 % des Français affirment préférer la crémation pour leurs obsèques. Un choix motivé notamment par des préoccupations environnementales. Mais son impact environnemental est-il vraiment moins important que les rites funéraires traditionnels ? Une étude de la Fondation Services Funéraires de la Ville de Paris compare l’impact environnemental de l’inhumation et de la crémation, les deux seules pratiques légales en France.

Selon un nouveau baromètre Ipsos, 63 % des Français interrogés optent pour la crémation en vue de leurs obsèques. Et 68 % des contrats des services funéraires de la Ville de Paris font mention de ce choix. La crémation est ainsi de plus en plus plébiscitée avec une croissance de 56 % depuis 1975. Cette année, le taux de crémation atteint près de 40 %.

L’argument écologique est évoqué parmi les motivations principales. Mais ce rite est-il vraiment moins impactant pour la planète que l’inhumation ? Pour le savoir, la Fondation Services Funéraires de la Ville de Paris (SFVP) a lancé en 2017 une étude (1) avec la start-up Verteego. Un travail inédit.

Les recherches, dont le périmètre est limité à la région parisienne, ont pris en compte l’ensemble du cycle de vie du service, de la prise en charge du corps jusqu’à sa décomposition. Matières premières, logistique, consommation d’énergie, déchets… Tout a été passé au crible. Et les conclusions sont particulièrement éclairantes.

L’inhumation équivaut à 3,6 crémations

Si l’on s’intéresse à la crémation, le premier poste d’émissions de gaz à effet de serre (GES) est évidemment la consommation de gaz. La quantité moyenne nécessaire est de l’ordre de 42 mètres cubes. Puis viennent les crématoriums (construction et utilisation) et le cercueil (origine du bois, vernis et teintes). Ainsi, une crémation équivaut en moyenne à 3 % des émissions d’un Français sur un an. Elle produit environ 1 kilogramme de déchets à traiter car dangereux mais aussi 1 kg de déchets à valoriser comme les chutes de bois ou encore les métaux issus de prothèses par exemple.

Du côté de l’inhumation, c’est le lieu de sépulture qui pèse le plus lourd avec 88 % des émissions de CO2 totales. En effet, l’entretien des espaces verts pendant trente ans - la durée de la concession - mais surtout la construction d’un caveau et la pose d’un monument, avec du granit souvent importé, sont très énergivores. Le cercueil et la fin de concession arrivent ensuite. Une inhumation "moyenne" équivaut finalement à 3,6 crémations.

Cercueil en bois ou en carton ?

La crémation apparaît donc comme le rite le plus écologique, à la fois sur les émissions de GES mais aussi sur la consommation d’énergie et de ressources rares. Cependant, une inhumation en pleine terre, sans caveau ni monument, a une empreinte carbone légèrement inférieure à la crémation. Or, actuellement, 60 % des inhumations en Ile-de-France sont réalisées en pleine terre.

Comparatif des émissions de gaz à effet de serre selon les différents rites funéraires.

L’étude démonte aussi une idée reçue sur les cercueils en carton souvent vantés pour leur soi-disant faible impact environnemental. Les chercheurs sont formels : une crémation dans un cercueil en carton, qu’il soit importé de Chine ou fabriqué en France, émet plus de CO2 par rapport au bois car ce dernier est un meilleur combustible. Même résultat dans le cas d’une crémation théorique sans cercueil, non autorisée en France.

Des cimetières moins entretenus

"Pour des funérailles écologiques, l’objectif est d’opter pour des cercueils et des monuments plus légers et made in France de préférence", conclut François Michaud Nérard, directeur général des SFVP. "Pour améliorer leur impact environnemental, les crématoriums travaillent également à la mise en place d’un système qui récupère la chaleur afin de la valoriser".

Réutiliser les caveaux existants et réduire la fréquence d’entretien des cimetières sont également des pistes à suivre. La ville de Versailles vient ainsi de recevoir un prix pour le travail de transformation paysagère de ses cimetières. Une politique zéro phyto a été mise en place depuis 2009.

Outre-Atlantique, de plus en plus d’États autorisent la liquéfaction, moins chère et plus écolo que la crémation. La Californie a ainsi voté une loi permettant de dissoudre dans un "bain chimique" le corps des défunts. La loi devrait entrer en vigueur le 1er juillet 2020, selon le New York Times. Des experts planchent déjà sur l’utilisation du liquide rejeté comme engrais. Reste encore à convaincre les proches des défunts.

Concepcion Alvarez @conce1

(1) Voir l’étude

À lire : Funérailles écologiques, de Brigitte Lapouge-Déjean et Laetitia Royant, coll. Conseils d’experts, 288 pages, octobre 2017.


© 2023 Novethic - Tous droits réservés

‹‹ Retour à la liste des articles

ENVIRONNEMENT

Climat

Les alertes sur le changement climatique lancées par les scientifiques conduisent à l’organisation de sommets internationaux, à la mise en place de marché carbone en Europe mais aussi en Chine. En attendant les humains comme les entreprises doivent déjà s’adapter aux changements de climat dans de nombreuses parties du monde.

Palais de justice tribunal unsplash

Les litiges climatiques, un risque financier avéré pour les entreprises attaquées

Quel est l'impact des litiges climatiques sur les finances des entreprises ? C'est ce qu'ont cherché à mesurer des chercheurs du Grantham Research Institute de la London School of Economics. Ils ont passé au crible une centaine de dossiers et il apparait bel et bien que les procès climatiques...

Pexels oday hazeem 106606

Les consultants en adaptation climatique éveillent les consciences (2/5)

Les pénuries d'eau actuelles sonnent une douloureuse alarme pour de nombreuses entreprises. Conscientes de la pente glissante, elles font appel à des spécialistes de l'adaptation au changement climatique qui balisent un futur plus résilient. Dans cette série, Novethic vous montre les dessous des...

Fresque du climat MaryLou Mauricio

La fresque du climat est-elle trop dépolitisée ? Réponse dans une tribune exclusive

La Fresque du climat, qui propose des ateliers de formation sur le réchauffement climatique, est devenue une institution. Plus de 1,1 million de personnes ont été ainsi formées. Mais cette Fresque a été épinglée dans une chronique du Monde parce qu'elle invisibiliserait les "racines politiques et...

Golf secheresse istock

Sécheresse : un projet de golf retoqué dans l’Hérault, symbole de l'urgence climatique

C'est un signe majeur dans l'adaptation au changement climatique. Dans l'Hérault, un luxueux projet de golf de dix-huit trous vient d'être retoqué par le préfet en raison de la sécheresse qui sévit dans la région. Face à la pression sur la ressource en eau, l'heure est aux choix.