Publié le 29 novembre 2015

ENVIRONNEMENT
COP21 : un marathon de deux semaines pour trouver un accord sur le climat
La Conférence climat de Paris, dont on parle depuis des mois, va s’ouvrir un peu en avance à 17 heures aujourd’hui. Pendant deux semaines, plus de 10 000 délégués du monde entier vont négocier d’arrache-pied au nom des 196 Parties pour tenter d’obtenir un accord international sur le climat. Un accord "ambitieux" selon les vœux de la France, le pays hôte, qui va présider cette session de négociation capitale pour l’avenir de la planète.

Martin Bureau / AFP
Deux petites semaines. C’est le temps imparti aux délégations des 196 Parties (195 Etats + l’Union européenne) membres de la Convention cadres des Nations Unies pour les Changements climatiques (CCNUCC) pour négocier un traité universel et ambitieux sur le climat dans le cadre de la COP21. Objectif : limiter la hausse de la température globale d’ici 2100 à +2°C au maximum par rapport à l’ère préindustrielle.
Le défi est immense. Ce n’est pas la première fois, loin de là, que les Etats se réunissent dans un tel but. Comme son acronyme l’indique, la Conférence climat de Paris (COP21) est la 21ème du genre. Un traité ou plutôt Protocole, celui de Kyoto, a bien déjà été mis en place il y a 10 ans mais celui-ci n’imposait des règles qu’à un nombre limité de pays développés. Il s’agit désormais d’obtenir un traité pour l’ensemble des membres de la CCNUCC. Qui plus est ambitieux. Or, les Etats s’y sont déjà cassé le nez il y a six ans, lors de la Conférence de Copenhague.
Echec interdit
Mais l’échec n’est plus à l’ordre du jour. C’est en tous cas ce que veulent croire les organisateurs de la COP21, présidence française en tête. L’urgence climatique est telle qu’une sortie de négociations sans traité paraît inconcevable. Et cette fois, les Etats connus pour leur tendance à freiner le processus font preuve de plus d’allant, comme le fameux duo Etats-Unis / Chine tenu pour être en partie responsable du fiasco de Copenhague. Mais les points en suspens restent nombreux (plus de 250 options, 1 200 crochets et autant de divergences sur le brouillon de l'accord de 54 pages), que ce soit sur la nature juridique de l’accord (doit-il et peut-il être contraignant ?), mais aussi sur son degré d’ambition, sa durée de vie ou ses règles de suivi, de révision et de transparence...
Et les divisions Nord/Sud vivaces. Lors de la dernière session de négociation préliminaire à Bonn, le groupe "G77+Chine", qui compte 134 pays en développement représentant 80% de la population mondiale, a haussé le ton et bien fait comprendre que le groupe, qui est aussi le plus vulnérable au changement climatique, ne signerait pas n’importe quel accord. La question des éléments de différenciation (nature et ambition des engagements, soutiens financiers et technologiques, compensation des pertes et dommages, etc.), découlant du principe de "responsabilité commune mais différenciée" du changement climatique, entre pays développés et en développement, sera à ce titre absolument centrale.
Pour faire face à l’ampleur du travail de clarification et de consensus, le début des négociations a même été légèrement avancé à ce dimanche après-midi. Annoncé trois jours seulement avant le lancement officiel des négociations, cet aménagement a été proposé par les deux co-présidents du groupe de travail qui négocie l’accord de Paris sur le climat (ADP pour Plateforme de Durban pour une Action renforcée) pour "utiliser de la meilleure façon possible le temps très limité à disposition pour finaliser les négociations sur le projet d’accord de Paris". Mais il faudra certainement plus que quelques heures de travail supplémentaire pour tenir le pari.
Pour le réussir, l’impulsion politique sera clé. C’est cette dynamique que sont censés donner les quelques 150 chefs d’Etat et de gouvernement qui viendront sur place, lundi, ouvrir la session de négociations avec leur déclaration d’engagements. Un engouement inédit dans toute l’histoire des négociations climatique. Mais sera-t-il suffisant ?
Des engagements étatiques sur la bonne voie mais insuffisants
Dans le cadre du nouveau processus de type "bottom up" (de la base vers le sommet), les Etats doivent en effet mettre sur la table leurs engagements par le biais de contribution climatiques volontaires, appelées dans le jargon onusien INDC. Celles-ci présentent leurs engagements en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre et/ou d’adaptation au changement climatique.
Mais étant à la discrétion des Parties, la nature et l’ambition de ces contributions varie du simple au double ; entre les INDC présentant des objectifs chiffrés et étayés par des feuilles de route et documents ne présentant que des vœux vagues et pieux d’un développement plus durable. Au total 183 pays sur 195 (95% des émissions de gaz à effet de serre) ont tout de même joué le jeu, ce qui était loin d’être acquis. Mais les promesses restent insuffisantes. Si tous les engagements étaient tenus (ce qui est déjà une gageure), la planète se réchaufferait de près de 3°C en 2100 par rapport au niveau d’avant la révolution industrielle…
Le secteur privé appelé à la rescousse
Pour les aider à opérer ce qui n’est rien de moins qu’une révolution de nos modes de développement, les Etats ont appelé les acteurs économiques et territoriaux à la rescousse. Collectivités locales, entreprises, investisseurs et société civile au sens large sont donc poussés à apporter eux aussi leur contribution à l’effort climatique, à travers ce que l’on appelle l’Agenda des Solutions (ou le LPAA pour Lima Paris Action Agenda).
A ce jour, plus de 10 700 engagements ont été recensés par la plateforme NAZCA - dont plus de 2 000 provenant d’entreprises et 400 d’investisseurs- qui les compile et les dévoile au public. Des engagements qui n’ont pas vocation à être intégrés à l’accord lui-même mais qui ont pour but d’impulser une dynamique positive au sein du secteur privé. A condition qu’ils soient tenus et que les actions valorisées par l’ONU soient effectivement climato-compatibles soulignent les ONG. Ce qui n’est pas, selon elles, toujours le cas.
Un contexte tendu, marqué par les attentats du 13 novembre
Difficile aussi de faire abstraction du contexte dans lequel s’ouvre cette conférence climat. Les attaques terroristes du 13 novembre font régner un climat de tension loin de la fête du climat initialement espéré. Si la présidence française a d’emblée écartée l’idée d’une annulation de la COP21, elle a tout de même dû réduire les manifestations prévues pour l’occasion, notamment les grandes marches citoyennes du 29 novembre et du 12 décembre.
Une mesure difficile à accepter pour la société civile. L’arrivée massive de chefs d’Etat venus témoigner de leur solidarité du combat de la France contre le terrorisme autant que pour la lutte contre le changement climatique a aussi demandé le déploiement d’un dispositif de sécurité hors norme. Sur l’ensemble de la COP, ce sont quelque 2 800 policiers et gendarmes qui seront postés au Bourget, le lieu des négociations, sans oublier les 400 membres des services de sécurité déployés par L’ONU.
Mais pour le président de la République, François Hollande : "ces circonstances tragiques donnent un sens encore plus décisif à cette conférence. Jamais Paris n'aura accueilli tant de chefs d'Etat et de gouvernements. Jamais l'enjeu n'aura été plus élevé. Jamais l'obligation d'agir n'a été si grande. Nous devons à nos enfants plus qu'un monde libéré du terrorisme. Nous devons préserver la planète de nos propres errements et construire un avenir d'espérance et de progrès".